Contenu
Poche
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean Esch
Paris : LGF, novembre 2009
414 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-253-12498-6
Coll. "Policier", 31582
Red Hook : le nihilisme russo-américain…
N.Y., fin de l'été. Un balayeur siffle Blue Skies, de Stan Getz. Sid panique : sur les quais de Red Hook, on a découvert le cadavre du clodo qui ne cessait de le suivre depuis des jours. Son vieux pote Artie, de la Crim', est sur place. Il se marie demain. On est en 2004 et l'ombre des Twins plane toujours sur New York.
Red Hook, le dernier quartier en friche de la Grosse Pomme. Que Sid connaît comme sa poche. Trop peut-être. Et ils sont nombreux à le savoir. Sid le fouineur, le journaliste hors pair, l'emmerdeur que ses collègues ont fini par débarquer du métier, tant il se montrait intraitable. Collectionnant les dossiers sur les sujets les plus brûlants. Dont Red Hook. Sillonné aujourd'hui en tout sens par les promoteurs. Red Hook dont certains bâtiments datent de la fin de la Guerre de Sécession… L'Hudson y coulait au XIXe siècle jusqu'à l'Europe. Exit today : le fleuve ne charrie que de la trouille, sans parvenir à tourner le dos à l'Amérique de la peur, Manhattan. Sid, l'éditeur de Walt Whitman, voit bien cette peur gangrener l'Amérique. Car il a peur lui aussi. La peur est même l'héroïne du roman. La peur et la guerre de l'immobilier. Une guerre sans pitié. Depuis toujours. Sid se rappelle Nigger Town, sous Coney Island, où les nègres vivaient sous la rue. Earl, le cadavre des quais, avait vécu là. Excepté Manhattan, qui est resté THE Ville, les autres quartiers n'auront été que des boroughs. Mais tout cela disparaît. Pour preuve le district des abattoirs. Meat Packing District : les abattoirs ont déménagé dans le Bronx, tandis que l'ancien secteur est revenu aux yuppies. Qui dévastent tout, attisent les convoitises et oublient tout. Toute l'histoire new-yorkaise, cette ville dont presque la moitié de la population est née ailleurs.
Alors Sid se met à raconter pour calmer sa peur. Une vieille histoire de docks. 1953, l'année de la mort de Staline. Un cargo russe était venu s'échouer à l'entrée du port. Embarrassant les autorités américaines, qui l'avaient mis en quarantaine. Il attendit là, à quatre cents mètres des côtes. Personne n'osant monter à bord. Des semaines. On voyait les marins russes arpenter le pont du cargo. Sans chercher à le fuir. Sauf deux d'entre eux, Meler et le mort du quai, Earl. Une vieille histoire à laquelle Artie ne comprend rien. Ni comment elle génère encore tant de haine, ni pourquoi Sid a peur. Il se marie demain de toute façon. Tandis que la Convention Républicaine bat son plein. La fête de mariage, c'est son vieux pote Tylia qui l'a payée, dans un loft superbe. Deux cents invités, caviar et champagne à flot. Tolya, l'affairiste russe, qui tourne autour de Red Hook comme d'un jouet convoité. Tolya, le maffieux. Est-ce lui qui a tué Sid ?
Car Sid est mort. Il avait raison d'avoir peur. Mais de quoi ? Artie finira par le découvrir, sans parvenir à le comprendre. Pourquoi les gens s'entretuent-ils ? Seul le marin Meler semble en détenir la raison. Et encore : une vielle histoire incompréhensible. De celles pourtant qui convoquent toute la mémoire de New York, l'aspirent dans cette écriture lancinante, rhapsodique, de ce roman hors norme que construit, opus après opus, Reggie Nadelson sur l'identité russo-américaine. Comme si le nihilisme russe du XIXe siècle avait trouvé là, dans la Grosse Pomme de l'après 11-Septembre, un terrain de prédilection. C'est l'après Arbat qu'elle écrit. Le roman de la diaspora russe qui a survécu à Poutine que dessine l'auteur à travers son héros déprimé, Artie, et ce Tolya clinquant, brutal et réfléchi, ce maffieux qui fut en son temps un intello et qui a d'abord vendu les vestiges de la Russie soviétique avant de refourguer aux New-Yorkais tout ce dont ils croyaient ne plus vouloir… Superbe !
Citation
À quoi ressemblait Brooklyn, à l'époque où Walt Whitman était rédacteur en chef du premier Brooklyn Eagle ?