Et puis mourir

Au prix d'un effort violent, elle se remet en mouvement. Essaie de joindre l'ambassadeur sur sa ligne personnelle, puis sur le téléphone bleu, il ne l'éteint jamais, sept personnes au monde connaissent le numéro. Pas de réponse, c'est pas normal, pas normal du tout.
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Roman - Policier

Et puis mourir

Social - Vengeance - Urbain MAJ lundi 01 mars 2021

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 18 €

Jean-Luc Bizien
Paris : Fayard, septembre 2020
340 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-213-71727-2
Coll. "Noir"

La mort au temps des barricades

Le roman de Jean-Luc Bizien s'ouvre avec une scène qui pourrait être le prologue et le leitmotiv de ce que sera Et puis mourir. Le commandant Jean-Yves Le Guen arrive au travail et découvre certains de ses collègues en plein interrogatoire. Le suspect a sans doute volé mais il avait sûrement une bonne raison, et notamment le fait de conserver la garde de ses enfants. Alors, le commandant fait une petite entorse au règlement afin de l'aider à s'en sortir. Du coup, il est pris à partie par son nouvel adjoint, le capitaine Patriziu Agostini, qui veut une distinction claire entre le droit et la justice. À présent, voilà l'équipe du commandant chargé d'une nouvelle enquête : un homme important vient d'être retrouvé assassiné avec ses parties génitales dans sa bouche. Visiblement, au fil des premiers éléments, le tueur s'est servi de ce samedi de mobilisation des gilets jaunes pour pouvoir se faufiler entre les cordons policiers et profiter de l'occasion pour commettre facilement son meurtre. Le mort étant une personnalité, on décide de se passer de la présence des journalistes. Mais, comme toute personnalité importante, les coupables potentiels sont nombreux. Lorsque la deuxième victime arrive, puis la troisième, la piste s'oriente sur un tueur en série. Mais le commandant veut remonter loin pour trouver s'il existe un lien entre les victimes.
Pour le lecteur, la vérité (même s'il faut quelques chapitres avant de comprendre le mobile) apparait de manière un peu plus claire, car il y a en parallèle de cette enquête, montrée de manière éminemment pointue et serrée, des chapitres autour d'un infirmier qui profite des samedis des gilets jaunes pour se balader dans les rues de paris incognito et dans sa vie quotidienne. Le lecteur se doute vite qu'il a un rapport avec toute cette affaire. Du coup, cette enquête et ces découvertes permettent aux policiers de revenir sur leur discussion du début car les meurtres répondent à une "logique" - celle de la vengeance, une vengeance peut être méritée, et donc les notions de justice et de droit reviennent . Le tueur a-t-il le droit de régler ses comptes, face à une situation à l'origine illégale, un droit que la justice et la police ne lui ont pas reconnu des années plus tôt ? Est-il juste de se venger, même si ce n'est pas légal ? De ce point de vue, le roman offrira une solution in fine. Ce qui est surtout intéressant dans Et puis mourir, c'est tout d'abord, les chapitres alternés qui permettent de maintenir le suspense. Ça permet aussi de présenter un coupable ambivalent qui tue ceux dont il veut la mort mais sauve ou protège des "victimes" lors des manifestations des gilets jaunes, au risque d'être découvert. De plus, Jean-Luc Bizien utilise parfaitement les manifestations au sein de son intrigue (là, aussi, pourrait se poser la question de la justice et de la légalité des deux côtés de la barricade d'ailleurs : les policiers sont chargés de faire respecter la loi mais toutes leurs actions sont-elles justes ? À l'inverse, les revendications sont-elles justes même quand elles s'appuient sur des actions dont la légalité pourrait être remise en cause ?). Les manifestations ritualisées des différents samedis sont présentées et utilisées de manière logique, non dans un esprit partisan, mais parce qu'elles sont aussi une "facilité" pour l'assassin. Jean-Luc Bizien nous offre un récit à la fois intelligent et intéressant autour d'un phénomène social avec une intrigue classique qui soulève nombre de questions.

Citation

Le Guen quitta la salle d'interrogatoire et rejoignit son bureau le cœur plus léger. Ce n'était pas la manœuvre la plus intelligente de sa carrière. Il en entendrait sans doute parler pendant un bon moment, mais ça avait au moins eu le mérite de le réveiller et de le mettre en joie.

Rédacteur: Laurent Greusard lundi 01 mars 2021
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