Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
Enchiladas et farc(e)
La comuna 13 ne dit pas forcément grand-chose aux pauvres Français que nous sommes, mais parle tout de suite à un Colombien. C'est le nom d'un quartier de Medellín qui a été célèbre durant de longues années car il fut le lieu de conflit entre le gouvernement, les FARC et les narcotrafiquants. C'est d'ailleurs là que vivait Griselda Blanco, une femme, ancienne chef d'un gang, abattue en 2012 alors qu'elle se "promenait" en ville, retraitée, mais pas oubliée de ses anciens ennemis. Aujourd'hui pacifié, le quartier est le lieu de visites de touristes. Sébastien Rafeou est un ancien policier français venu y vivre après des accusations de corruption. Il a été garde du corps et maintenant est guide touristique. Il aime bien faire visiter la Comuna 13 et s'arrêter pour discuter avec une vieille dame qui vend les meilleurs jus de canne à sucre du coin. Mais un jour, la marchande lui remet un pendentif et lui donne rendez-vous pour le lendemain. Entretemps elle est assassinée. Sa petite-fille, venue pour l'enterrement, est une ancienne combattante du FARC. Elle est accostée par Rafeou, et les deux vont partir à la fois à la recherche d'un assassin et sur les traces d'un mystérieux trésor, laissé par Griselda pour la marchande, son ancienne amante.
Depuis Le Faucon maltais, de Dashiell Hammett, on sait dans les milieux polars, que la recherche d'un trésor est longue et périlleuse (et pas forcément suivi d'effets positifs). Dans Comuna 13 le trésor a nécessairement un lien avec les anciens Incas ou Mayas ou Olmèques ou Toltèques, ou toute autre tribu qui régna quelques années dans un territoire d'Amérique du Sud, le temps de solidifier quelques divinités en or massif et de disparaître. Sous les auspices de Tintin ou de Bob Morane, Philippe Ward signe-là un polar rythmé et nerveux qui sait prendre le temps de raconter une histoire, mais aussi d'amener des personnages, des lieux. La Colombie est présentée dans ses difficultés et ses possibilités, dans cette survie incessante et cette musique qui n'arrête pas de couvrir les sons du quotidien. Même s'il y a des méchants patibulaires et des reliquats de paramilitaires, le soleil et la pluie ont un peu lessivé le pays qui revit et essaie de se construire un futur. Entre haciendas où l'on cultive le café, disques d'or qui n'attendent que leur maître, quartiers populaires et riches parvenus, éléments sur l'histoire et la politique, le pays est décrit par touches fines qui s'insèrent bien dans un récit plus musclé. Un livre que le lecteur a du mal à poser avant la fin.
Citation
Mourir pour des enchiladas, n'y avait-il pas une plus belle mort pour une Colombienne ?