Fucking Melody

Elle se ment en se disant qu'elle prépare son mental, sachant bien, au fond d'elle-même, lors de rares éclairs de lucidité ; qu'elle se saborde en s'abrutissant. Telle une alcoolique à coups d'ivresse, elle croit se donner du courage en faisant l'inverse : elle alimente sa peur.
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Roman - Noir

Fucking Melody

Huis-clos - Médical - Artistique MAJ mercredi 09 juin 2021

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 18,5 €

Noël Sisinni
Paris : Jigal, mai 2021
232 p. ; 20 x 13 cm
ISBN 978-2-37722-133-2
Coll. "Polar"

Vivre ses rêves ou rêver sa vie ?

Il y a quelques années déjà, Michel Jeury disait que lorsque les dictatures auront gangrené le réel, ce ne sera pas si grave car alors "nous nous battrons avec nos rêves". Dans ce premier roman de Noël Sisinni, il y a des rêves et des rêveurs - Boris est un dessinateur et scénariste qui est l'auteur d'une bande dessinée. Pour un nouveau volume, il a besoin, outre son imagination et ses rêves, d'une figure réelle pour incarner un nouveau personnage féminin. Sa compagne Soline a des rêves aussi - elle aimerait que sa musique soit jouée (dont le Fucking Melody du titre) et cela pourrait bien se réaliser. En effet, un studio berlinois va les accueillir. Mais pour vivre elle doit quand même accepter de travailler comme clown pour une institution psycho-médicale. Ces deux personnages oscillent donc entre rêve et réalité. Ils tentent de composer avec le monde. Mais dans l'institution, il y a Fiorella, une jeune fille de quinze ans. Elle a la fougue de la jeunesse. Elle a aussi des rêves, mais la réalité est tenace et crevarde : elle découvre que son futur est largement compromis par une tumeur qui va la laisser rapidement au bord du chemin. Mais Fiorella (et c'est déjà un indice car ce n'est pas forcément son vrai prénom mais celui qu'elle s'est choisie) n'hésite pas une seconde entre les deux notions : elle veut découvrir l'amour et avoir une belle vie (même si cette vie sera forcément courte). Soline lui a présenté Boris et ce dernier a découvert en elle le "personnage" de sa bande dessinée. Il l'a prise en photo sans se rendre compte que la jeune fille a cru qu'il était tombé amoureux d'elle. Comme elle veut réaliser ses rêves avant de mourir, pourquoi ne pas l'embarquer dans son rêve ? Et lorsque la jeune fille doit choisir entre son imagination et la triste réalité, et qu'elle dispose d'un revolver...
Le roman pourrait se diviser en deux parties avec une première où se mettent en place les personnages, le tout dans une description forte et bien construite de la part de l'auteur (en quelques pages les portraits sont dressés, y compris celui du directeur de la maison de soins, d'un frère et d'une sœur, et deviennent extrêmement vivants), puis une seconde avec le passage d'un rêve rose à une réalité plus noire (même si pour le personnage central, ça reste un avenir sympathique et fantasmé presque au final). Même si le thème n'est pas proche, l'intrigue pourrait se rapprocher d'un film comme Thelma et Louise. Le lecteur apprend à domestiquer les acteurs, à les regarder dans leurs moments de joie avant de les suivre dans la spirale plus sombre née de la situation. Noël Sisinni réussit à faire basculer de manière imperceptible de l'un à l'autre et sait présenter la deuxième partie (dont le lecteur se rend bien compte que l'issue aura du mal à jouer avec un happy end factice) avec un mélange bien rendu de noirceur, mais en même temps de volonté optimiste. Jigal nous offre là une petite perle qui s'additionne au collier que la maison d'édition confectionne depuis des années.

Citation

Quand il revient dans la chambre et la voit comme ça, allongée toute menue dans le lit, il ne peut s'empêcher d'avoir une vision de mort. Il n'imaginait pas qu'elle soit si maigre. Elle semble disparaître dans ce si grand lit.

Rédacteur: Laurent Greusard mercredi 09 juin 2021
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