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L'os était dans la tombe
C'est une grosse masse molle, blonde et avachie que son maître a pensé être un chien, un golden retriever, plus exactement. Vu ses tendances à la flemme, il a trouvé amusant de l'appeler Lebowski en hommage au Dude des frères Coen. Sept ans qu'ils cohabitent tant bien que mal. L'humain de Lebowski, c'est Jim Carlos, jardinier paysagiste de son état. Il se fait embaucher pour travailler chez les Loubet, Arnaud et Laure, monsieur étant un présentateur télévisé en vogue. Un travail plutôt pénible chez ces richards à la politesse factice et lyophilisée. Jusqu'au jour où, en dépit des admonestations comme quoi leur fille aurait peur des chiens, Carlos amène Lebowski sur son lieu de travail. Un chien qui déterre un os, quoi de plus normal, et les deux deviennent inséparables. Mais cet os a quelque chose de bizarre. Y a-t-il un rapport avec la disparition de Carlos quelques jours plus tard, poussant la juge Carole Tomasi à éplucher les carnets grattés par Carlos durant sa période d'emploi ? D'autant qu'un autre jardinier employé un peu plus tôt chez les Loubet a également disparu...
Pour son deuxième roman, l'auteur Vincent Maillard choisit de nous disséquer un simple fait divers, de ceux qui font les choux gras des médias s'il n'y a rien de plus juteux avant d'être chassés par une autre actualité. Son aspect social poussera évidemment le critique paresseux à évoquer le séminal film Parasite de Bong Joon Ho, désormais à citer dans les salons où l'on cause dès qu'on évoque les turpitudes de la classe supérieure (à défaut de l'avoir vu). L'auteur dépeint cet aspect social à travers ce fait divers avec un bel humour et sans facilités (si on parle de haine de classes, on pourra se demander si celle-ci n'est pas quelque peu partagée). Il ne faut pas s'attendre à un thriller détonant aux rebondissements multiples, mais plutôt à une chronique faite de petites touches fort justes. En plus d'un style vivant et agréable, Vincent Maillard assène sa pièce maîtresse : une construction où le narrateur disparaît provisoirement, laissant des questions en suspens jusqu'à un dénouement logique et inattendu. Pour un deuxième roman, on ne peut qu'être impressionné par sa maîtrise (si certaines considérations du narrateur, notamment sur les réseaux sociaux, faisant un peu Café du commerce, ne s'imposaient pas, le fait qu'il s'agisse d'un journal les justifie) qui, à deux cents pages, a l'élégance de ne pas étirer son propos. Comme on se doute qu'on ne trouvera pas ce roman en tête de gondole, en lice pour les principaux prix littéraires ou parmi les starlettes médiatisées, on se prend à rêver que ce soient nous, les lecteurs, les amateurs de bonne littérature, qui le commandions en masse chez les libraires et en fassions notre succès à nous et non celui du marketing. On peut rêver...
Citation
Je les ai regardés et j'ai été frappé par leur amour de l'idée de l'amour du prochain. Les Loubet aimaient le peuple, mais pas moi. Ils aimaient les gens simples, à condition qu'ils soient loin. Loin du manoir, loin de leur SUV Volvo XC60 AWD 250 cv, loin du green de golf, loin de leurs studios de télévision et de leur campus ; loin comme un réfugié qui se noie.