Contenu
Au printemps des monstres
Grand format
Inédit
Tout public
748 p. ; 24 x 16 cm
ISBN 978-2-08-023818-4
Coll. "Littérature française"
True Crime à la française
Au début de l'année 1964, une affaire criminelle va secouer la France. Le jeune Luc Taron, onze ans, est enlevé puis assassiné. Son corps est découvert dans une forêt de la banlieue parisienne. Dans les jours qui suivent, des lettres anonymes vont aviver le trouble : le scripteur passe son temps à dire des horreurs sur le père de la victime et annonce d'autres crimes. Vu les informations que les lettres transmettent, c'est quelqu'un qui connait bien le crime et la famille. Après bien des péripéties, on arrête un jeune infirmier qui, après une longue garde à vue, reconnait être l'assassin. Mais ensuite, il se rétracte et prétend n'être que le rédacteur des messages. Comme il multipliera les déclarations mythomaniaques, épuisant ses avocats (il finira par évoquer un complot avec les services secrets), il sera condamné à la perpétuité et deviendra l'un des plus vieux prisonniers de France. Philippe Jaenada a commencé sa carrière avec des romans proches de l'autofiction, entre humour doux, mélancolie amère et e se moquant de lui-même. Puis, depuis quelques années, il s'intéresse à des "affaires" criminelles qu'il reprend à zéro, essayant de chercher la vérité mais surtout il écrit des textes où il alterne entre sa vie personnelle et l'enquête qu'il poursuit avec obstination. Après avoir travaillé dans La Serpe sur meurtre pour lequel Georges Arnaud, celui qui allait devenir un écrivain, fut suspecté, il a écrit La Petite femelle, sur l'affaire Pauline Dubuisson.
Après un début où Philippe Jaenada évoque l'affaire "Luc Taron", il revient sur tous les éléments étranges de l'histoire, parle du père de l'écrivain Patrick Modiano, qui a des liens avec l'histoire, interrompt justement l'histoire pour raconter sa visite des lieux où elle se passe, taille un costard à un avocat, présente avec sympathie l'épouse de l'accusé. C'est aussi l'évocation des années 1960, avec les restes de la collaboration qui ne passe pas, avec des métiers disparus, avec des façons de fonctionner qui nous apparaissent vraiment étranges (la vie en hôtel, des changements de boulot incessants, l'assistance publique et des règles complexes, la vie en province ou à Paris), un monde disparu (celui que reconstitue avec brio l'auteur dans ce livre ou qu'évoque régulièrement Patrick Modiano dans les siens). Ce qui est très fort également dans Au printemps des monstres, c'est qu'après avoir présenté les faits, Philippe Jaenada va les déconstruire, évoquer tous les points qui posent problème (et leur nombre semble plus qu'important). Se dresse alors le portrait d'un mythomane qui a été dépassé par sa propre machinerie. Ensuite, en reprenant les protagonistes du drame, on découvre que tous sont des monstres, des égoïstes, des gens qui mentent, qui affabulent, qui transforment la réalité : le couple de parents est un couple plus qu'étrange (certains éléments sans appuyer, pourraient même laisser penser que leur relation est plus que violente avec l'enfant, qui n'est peut-être pas désiré, ni même l'enfant du couple), les témoins cachent des choses, la police et la justice s'occupent plus de leurs propres intérêts que de l'instruction. Lorsqu'on sombre dans la dépression et la boue, le cloaque de ces gens, Philippe Jaenada décale son histoire par des parenthèses sur les témoignages, par des apartés sur sa propre souffrance, avec une ironie toujours bienvenue et qui donne du souffle et un peu d'air.
Poursuivant la trajectoire entamée depuis deux ouvrages, Philippe Jaenada confirme avec force dans Au printemps des monstres un sens du récit et une écriture journalistique dans la plus pure tradition d'un Truman Capote.
Citation
Bon, personnellement, j'ai du mal à imaginer, il aurait fallu qu'elle fasse un petit saut latéral, en position assise, pour se retrouver recroquevillée sur le dos entre le bidet et le lit, la tête en appui sur le mur, mais elle n'est peut-être pas morte tout de suite, elle a pu essayer de se relever, en vain.