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Nous étions les reines
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (Canada) par Caroline Lavoie
Paris : Hugo, septembre 2021
426 p. ; 21 x 15 cm
ISBN 978-2-7556-8945-7
Soap opera
Ambrosia "Amb" Wellington, aujourd'hui Turner, s'est à peu près fait une existence stable autour de son mari Adrian lorsqu'elle reçoit un appel à une réunions d'anciens élèves dix ans après à son université de Wesleyan University. Un appel qui, alors qu'Adrian insiste pour qu'elle s'y rende, lui rappelle un passé douloureux. Avec son amie Sloane "Sully" Sullivan, elles ont passé leurs années de fac à errer d'une fête à l'autre, d'un homme à un autre, tout en manipulant et mentant pour parvenir à leurs fins, même si Amb est toujours restée dans l'ombre de Sully la maîtresse ès-manipulations. Seulement une de leurs anciennes camarades n'assistera pas à la réunion, et Amb reçoit un message anonyme disant "Nous devons parler de ce que nous avons fait cette nuit-là.". Est-ce la nuit où une fille de l'université s'est suicidée à cause des manipulations d'Amb et de Sully ? Mais quelqu'un semble penser que ce suicide n'en était pas un...
Il n'échappera à personne que le récent Les Cinq règles du mensonge (lui-même bien ennuyeux) de Ruth Ware a exactement le même point de départ, réunion de classe comprise... Pompage ou démonstration que les suspenses anglo-saxons ultra-formatés ont tendance à tous se ressembler et en général à étirer à n'en plus finir un thème bon pour une nouvelle ? Bien sûr, le tout se déroule sur deux époques commençant comme Les Cinq règles du mensonge par la rencontre des futures amies. Sauf que là, il s'agit de donner la parole aux "mauvaises" filles (vaines, égoïstes au possible) s'amusant à détruire des vies et des relations uniquement pour se faire mousser l'égo, sans oublier de se jalouser entre elles. Certes, cela change de ces sororités parfaites où l'on passe son temps à se répéter à quel point on est formidable, mais survivre quatre cents pages avec de tels personnages est un brin ardu, surtout qu'aucun n'est développé et n'a de véritable raison d'agir comme il le fait. Quant à ce qui sert d'action, c'est du style : on va à des soirées, on boit, on dit du mal des autres, on couche avec quelqu'un, on révèle aux autres qu'on a couché avec quelqu'un avec des mots crus gratuits qui deviennent vite fatigants à force de systématisme, et on recommence au chapitre suivant après un vague développement sur l'instant présent. Et, bien sûr, une personne a jugé bon d'attendre dix ans pour confronter nos protagonistes à ce qui s'est passé sans la moindre explication. La fin correspond, elle, bien à cette étrange misogynie féminine à la Patricia Highsmith, qui semble sous-tendre le tout. La résolution est d'ailleurs si prévisible qu'on la voit venir à des kilomètres et on revient au principe Sliver (le décevant roman d'Ira Levin qui donna un film décevant) : lorsque deux personnages ont à part égale le mobile et les moyens d'avoir commis un crime, l'identité du coupable perd tout intérêt. Se vautrer dans l'amoralité peut donner de bons résultats, mais tout le monde n'est pas Jim Thompson, encore faut-il qu'il y ait une quelconque finalité, pas juste le simple plaisir d'aligner les vulgarités en se croyant transgressif. Ici, comme pas un des personnages ne semble avoir évolué dans le cours du récit, tout ça fait assez vain en plus d'être ennuyeux. Et c'est "ça" qui remporte des prix...
Citation
Il m'aura fallu des années pour comprendre que les filles n'étaient pas censées s'approprier leurs ambitions, juste les emprunter de temps à autre quand cela n'offusquait personne.