Le Quartier de la Fabrique

C'était bien la même résidence, construite dans les années 1990, murs blancs tels ceux des chambres d'hôpital et petites fenêtres mauves impersonnelles et froides. En revanche, un étrange lichen s'était propagé sur la façade, comme un champignon de moisissure invasif ou des veines proéminentes sur les mains d'une vieille dame. On aurait dit que l'immeuble était à l'abandon et le quartier fantôme. Avec un recul de dix ans, je comprenais mieux pourquoi j'avais tant déprimé dans le secteur : il était déprimant. Sans âme, sans animation, monotone, éloigné du cœur de ville. Tout de plain-pied, bas, plat, raplapla.
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Roman - Noir

Le Quartier de la Fabrique

Politique - Guerre MAJ mercredi 20 janvier 2010

Note accordée au livre: 4 sur 5

Poche
Inédit

Tout public

Prix: 9 €

Gianni Pirozzi
Paris : Rivages, novembre 2009
346 p. ; - cartes illustrations en noir & blanc ; 17 x 11 cm
ISBN 978-2-7436-2030-1
Coll. "Noir", 756

Là est morte une certaine idée de l'Europe

Rinetti travaille comme assistant social dans le sud de la France. Ancien activiste italien, il ronge son frein et se désespère depuis que sa femme est partie en emmenant son fils. Dans un moment de doute, il a cru retrouver l'amour avec une jeune Rom qui fuyait son violent de mari, mais c'était une aventure sans lendemain ni issue. Il a juste pu discuter avec elle et sa famille des conditions dans lesquelles ils avaient tous été expulsés de l'ex-Yougoslavie.
Nous sommes début 1999, et les conflits ethniques s'accentuent dans l'ancienne Yougoslavie. Pour contrer les Serbes, l'OTAN a décidé de frappes aériennes. Mais les bruits de massacres commencent à courir. L'UCK, les indépendantistes du Kosovo réclament du soutien. Un Italien, De Santis, se charge de leur en fournir. Il prend contact avec Rinetti. Ce dernier pourrait-il se charger de convoyer deux camions d'armes, déguisés en convoi humanitaire pour aider les combattants ? Rinetti accepte et entraine avec lui un des assistés dont il a la charge, un drogué qui est prêt à faire le coup de poing.
Le voyage ne sera pas de tout repos, et Rinetti se rend très vite compte que les dés sont pipés : aider les Kosovars, est-ce une bonne idée ? Sont-ils eux mêmes si tolérants ? La traversée des pays de l'Europe centrale vire alors au cauchemar.

Le quartier de la Fabrique est le nom d'un quartier rom qui se situait au Kosovo. Quartier en ruines, détruit, il est le symbole de ce livre. Chaque destin est brisé, personne ne trouve le repos et seule la mort pourrait être une solution en forçant les corps à s'arrêter. Le quotidien en France est glauque : on passe de prétoires de justice en terrain vague, de familles qui divorcent en couples qui se déchirent. Rinetti croit trouver une solution dans la fuite vers un ailleurs où il pourrait participer à un idéal qui le dépasse, mais la traversée de l'Europe s'apparente réellement à un cauchemar : des gangsters, des passeurs, des routes lézardées, l'arrivée sur le terrain ne montre que des ruines, des massacres et des désillusions qui s'accentuent. Et Rinetti s'en retourne chez lui, un chez lui à l'horizon fermé.
Malgré toute cette noirceur qui prend le lecteur à la gorge et ne lâche pas, Gianni Pirozzi parvient à maintenir une tension qui rend supportable le désir de tourner les pages, d'en savoir plus et d'espérer une échappée salutaire pour le personnage central d'un véritable roman noir. C'est là tout son talent, un talent déjà manifesté dans Hôtel Europa où Rinetti se trouvait confronté aux Irlandais de l'IRA. Alors que Le Quartier de la Fabrique raconte comment les rêves achoppent sur la réalité et s'y brisent, Gianni Pirozzi revient dans un monde qui lui est cher et qui l'a révélé : celui des Roms (son premier roman, Romicide avait reçu le Prix SNCF en 2002).


On en parle : 813 n°107 |La Vache qui lit n°107 |813 n°109

Nominations :
Prix du polar européen du Point 2010
Prix Mystère de la Critique 2010

Citation

Le quai de la gare est jonché de passeports déchirés, son asphalte fissuré recouvert de lambeaux de permis de conduire.

Rédacteur: Laurent Greusard mardi 19 janvier 2010
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