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Deux Cents Noirs nus dans la cave
Grand format
Inédit
Tout public
142 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-7436-5492-4
Coll. "Littérature francophone"
Braquage en trois rounds
Le 26 octobre 1970, Mohamed Ali retrouve sa licence de boxe (il avait refusé de s'engager dans la guerre du Vietnam car après tout, les Viêt-congs ne l'avaient jamais traité de Nègre). Trois années de purgatoire pour lui avant ce fameux ring walk qui doit l'amener à affronter Jerry Quarry, un boxeur qui est une victime expiatoire porteuse de tous les espoirs de la communauté blanche d'Atlanta, ville où se déroule le combat. Atlanta, ville qui a vu la première d'Autant en emporte le vent. C'est dire que Mohamed Ali n'arrive pas en terrain conquis mais plutôt miné. Mais ça n'empêche pas le gratin afro-américain d'être là. Pas seulement Coretta Scott King, jeune veuve de Martin Luther King, pas seulement l'acteur Sydney Poitier. Il y a là aussi la pègre noire américaine. Celle de Harlem et de Miami en particulier. Les gangsters sont venus pour assister au retour de l'enfant terrible et prodigue qui, a une époque, s'appelait Cassius Marcellus Clay Jr. Mais ça, c'était avant sa rencontre avec les membres de Nation of Islam, avant que dans son coin apparaissent Elijah Mohamed et Abdul Rahman Muhammad.
Ce n'est pas tout à fait cette histoire à laquelle s'intéresse Élie Robert-Nicoud. L'auteur de romans noirs chez Rivages sous le nom de Louis Sanders est monté sur un ring de boxe sur le tard. Il gère aujourd'hui une salle de boxe. Surtout, il est le fils d'un ancien boxeur professionnel et s'est passionné pour ce sport au point d'écrire des portraits de boxeurs réunis en un ouvrage, Scènes de boxe. Le roman aurait donc pu faire un joli récit dans la veine de ce que David Peace a fait autour du football avec 44 jours et Rouge ou mort. Mais la boxe malgré tout ce qu'elle a de provocatrice est un sport d'humilité. Alors le combat entre Mohamed Ali et Jerry Quarry est là en arrière-plan, plus utilisé comme un subterfuge même s'il amorce un tournant dans le sport avec la mainmise capitaliste financière. Pourquoi ? Parce que dans les gradins s'active un certain Chiken Man sous les yeux de J. D. Hudson. Le premier est une petite frappe d'Atlanta qui doit son surnom aux sandwichs au poulet qu'il offre aux femmes qu'il tente de séduire. Le second est le premier flic noir d'Atlanta (lire à ce propos Darktown, de Thomas Mullen). Et ce que découvre le flic, c'est que le gangster refile des invitations pour un étrange after à toute la pègre réunie en ce jour pour un combat mémorable... et qui accouchera d'un braquage à la hauteur de l'événement. Car plus tard, dans une maison à l'écart, cinq frappadingues feront main-basse sur les possessions de deux cents noirs qu'ils dévêtiront avant de les enfermer dans une cave et de se faire la malle.
L'histoire est véridique. L'avant-propos de l'auteur est très clair à ce sujet. Elle pourrait faire l'objet d'un film tourné par Quentin Tarantino. Dans une autre de ses nombreuses vies, Élie Robert-Nicoud traduit les romans d'Elmore Leonard. Et son écriture s'alimente incontestablement de ce travail de proximité avec un maître de l'écriture et de la narration simple. C'est clair : le récit est hypnotique, il foisonne d'informations contextuelles, on s'enivre de tous les détails assénés, on est dans les gradins à attendre le combat, on a en tête tout l'historique de cette période. Le casse dans la maison, c'est tout juste si on ne le découvrira pas le lendemain dans les journaux. Le roman prend son temps et file pourtant à cent à l'heure jusqu'à nous embarquer dans une enquête menée de front par la police et la pègre dans une sorte de course-poursuite effrénée. Du bel ouvrage à tel point que l'on voudrait dire qu'il nous fait l'effet d'un uppercut en pleine figure si l'image n'avait pas été aussi galvaudée. Deux Cents Noirs nus dans la cave est un brillant polaroid de l'Amérique qui entre dans les années 1970.
Citation
J. D. Hudson et son supérieur devront expliquer plus tard qu'ils ont eu du mal à arrêter Short Papa Vambrose, qu'il a résisté alors évidemment, on a été un peu obligé d'utiliser la manière forte. J. D. Hudson a toujours dit qu'il ne faisait pas usage de la force dans son métier, qu'il détestait les violences policières et qu'il n'y avait rien de "viril" à faire preuve d'un excès de brutalité dans ces situations. Mais J. D. Hudson a peut-être parfois une vision de la réalité et de son passé qui n'appartient qu'à lui.