Contenu
L'Assassin aux deux visages
Poche
Réédition
Tout public
Traduit de l'anglais par Antoine Manquant
Paris : Rivages, novembre 2002
278 p. ; 17 x 11 cm
ISBN 978-2-7436-1025-5
Coll. "Noir", 450
Le cabinet du docteur Moro
Profitant d'un repos bien mérité dans la maison londonienne de son beau-frère, le commissaire principal Gregory Saltfleet est soudainement réveillé en plein milieu de la nuit alors que dans un parc aux abords de la maison un homme est poignardé. L'arme n'est pas retrouvée. L'homme est un marin polonais du nom de Witold Tchoromanski dont le pedigree offrira quelques interrogations (dont une liée à l'espionnage). L'enquête est menée par George Fitch, un inspecteur qui cherche sans trop chercher (il est convaincu de la culpabilité de l'ignoble Spraggs, amateur de snuff movies), et ce au grand dam de Saltfleet, qui tente de l'orienter. Bien malgré lui, le commissaire principal mène donc ses propres investigations, et il sait qu'il marche sur des œufs : il prend le risque de froisser des collègues. Il faut dire qu'il est particulièrement bien ancré dans la ville, et qu'il connait du monde, et surtout tout un pan non fréquentable (la prostituée Elfie, son mac Joe le Sud'Am). Mais c'est aussi un homme respecté dont la parole a un certain poids. Les pas de Saltfleet l'emmènent donc assez rapidement vers une clinique psychiatrique privée, l'Institut des Sciences sexuelles, tenue par le docteur Robert Moro, adepte de l'hypnose et des thérapies de groupe (homme trouble et suspect). Parmi ses patients Rosie/Rosa/Dorothy, une jeune femme qui souffre de multiplication de la personne. Saltfleet, bien aidé par Moro (qui lui ne souffre pas trop du secret médical) va donc tenter de découvrir, à l'instar d'un Jules Maigret dont il a bien des caractéristiques (dont Miranda, sa femme très compréhensive), ce qui s'est passé cette nuit-là, nuit qui a conduit à la mort d'un homme, qui a subi des mutilations génitales. Les interrogations de Saltfleet vont également lui faire faire un parallèle avec sa propre fille, Géraldine, étudiante qui, il vient de l'apprendre, a perdu sa virginité. Chose qui l'affecte outre mesure.
Le titre anglais de ce roman de Colin Wilson laisse un peu plus de mystère à l'enquête. Cette dernière est très linéaire, et épouse la fascination de l'auteur britannique pour la psychologie, la psychiatrie et l'insondable. En sa basant sur la multiplication de la personnalité, Colin Wilson offre surtout une intrigue où le coupable n'est pas une personne, mais une personnalité d'une personne. L'hypnose permet, elle, de mettre en avant la domination de certaines personnalités sur d'autres. L'appendice en fin de roman, avec des interpellations Jungiennes, est particulièrement sidérant et propice à l'ébranlement de la raison. Écrit en 1984, treize ans après la réalisation par Ken Loach de Family Life, l'ouvrage est un contrepoint plutôt contemplatif et naïf à l'antipsychiatrie. Il est également dommage que certaines pistes (l'espionnage) ne soient pas plus exploitées que ça. Mais il se dégage de L'Assassin aux deux visages une atmosphère particulière et crépusculaire propre à la vision d'un père sur sa fille, vision éclairée par une autre femme, victime d'inceste dans son enfance. Chacun doit vivre volontairement ses expériences semble être le message au final.
Citation
Les affaires de meurtres avaient souvent éveillé sa pitié ou son indignation, mais ne lui avaient jamais enlevé son profond détachement : il se disait que les résoudre était son travail, et n'y mêlait jamais le bien et le mal.