Contenu
Les Miracles du bazar Namiya
Poche
Réédition
Tout public
Traduit du japonais par Sophie Refle
Arles : Babel, octobre 2021
370 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-330-15712-8
Le paradoxe du temps
Avec sept romans policiers traduits en français à son actif, Keigo Higashino s'est taillé une réputation. Un style classique, des intrigues au cordeau, des personnages bien esquissés. Les Miracles du bazar Namiya est un roman qui détone dans sa bibliographie. L'auteur japonais nous raconte une intrigue qui nous apparait morcelée, et qui vire résolument au fantastique mâtiné d'onirisme à l'instar de nombre de ses confrères comme Haruki Murakami. Tout débute lorsque Shôta, Kôhei et Atsuya, trois cambrioleurs, entrent dans un vieux magasin, le bazar Namiya, la nuit du 12 au 13 septembre, après une fuite éperdue. La date a son importance. Ils ne le savent pas encore, et le lecteur non plus, mais trente-trois ans auparavant, le gérant du bazar, monsieur Namiya, est décédé. Ce dernier, sur la fin de sa vie, avait pris pour heureuse habitude de recevoir des lettres de personnes qui cherchaient des conseils, et de leur répondre. Au début, il s'agissait surtout d'un jeu auquel beaucoup d'enfants répondaient. Alors, monsieur Namiya affichait les lettres et ses réponses sur la devanture de son magasin. Jusqu'au jour où il reçut une lettre d'une personne réellement dans la confusion. À partir de cet instant, un nouveau processus s'installa : les lettres arrivaient par un trou dans le volet du bazar, et leurs réponses étaient à récupérer dans l'arrière cours, dans la boîte qui servait à recueillir le lait. C'est ainsi que nous allons découvrir les trajectoires singulières de cinq personnes à la manière de Short Cuts, de Robert Altman. Les histoires, sans lien apparent, vont évidemment se recouper. Mais le lecteur ne sait pas à quel point toutes ces vies sont inextricablement liées. Il ne sait pas également que les trois cambrioleurs vont avoir une incidence toute particulière sur ces cinq personnes. Car dans la nuit du 12 au 13 septembre, leur arrivent des lettres auxquelles ils vont répondre. Mais des lettres du passé. Dans le bazar, le temps semble aussi s'être figé. À l'extérieur, au contraire, tout se passe comme s'il avançait normalement à une exception notable : le temps a remonté trente-trois ans en arrière. Keigo Higashino fait preuve d'une maîtrise excellente de son intrigue. Sa mécanique est parfaite. Le lecteur plonge avec nostalgie dans une époque révolue. Surtout, il découvre des personnages en quête de réponses qui tous convoitent un bonheur inespéré (un thème présent dans Le Lac de Yasunari Kawabata mais ici tiré plus vers l'ouverture à l'autre et l'altruisme). Surtout, surgit la figure du foyer Marukôen, qui se retrouve à la convergence de ces destins ordinaires et pourtant extraordinaires. Le romancier plante un décor où la tradition ancestrale se retrouve à côtoyer un monde en perpétuelle évolution. On y retrouve le sens de l'honneur, la famille, l'accomplissement par le surpassement de soi, et aussi la vieillesse et la mort. Si l'on excepte les trois cambrioleurs, qui ouvrent et clôturent le récit, le roman est plus une évocation sensible du Japon qu'un roman policier. Même si... Keigo Higashino est un excellent maître en ce qui concerne le tissage des fils d'une intrigue. Et son œuvre est singulière à l'instar de ces Miracles du bazar Namiya.
Citation
Les trucs étranges qui se passent depuis tout à l'heure, ça doit être lié à ça, fit Shôta. Oui, ça doit être ça. Aujourd'hui, le passé est lié au présent parce que c'est une nuit particulière.