Contenu
Rien que le noir
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (Écosse) par Fabienne Duvigneau
Paris : Rivages, avril 2022
286 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-5572-3
Coll. "Noir"
Les héros du noir sont immortels
Nous sommes à Glasgow, à la fin de l'année 1972. Laidlaw est un inspecteur déjà obnubilé par ses enquêtes au point de dormir à l'hôtel, proche du centre, plutôt que de vivre avec sa femme et sa fille. Il a un "sale caractère", c'est-à-dire qu'il préfère travailler et enquêter que de se livrer à la poursuite d'une carrière. On vient de lui confier un nouvel adjoint, mais cela ne l'empêchera pas de se poser à part. Sa personnalité va le conduire à s'opposer à l'un de ses supérieurs, suite à une enquête complexe. Dans les arrière-cours d'un bar, appartenant en sous-main à un parrain local influent, est retrouvé le corps d'un avocat, lié à une autre famille mafieuse de la ville. Est-ce qu'il se trouve là pour trahir son chef, comme avertissement de l'autre famille qu'il ne faut pas venir sur son territoire, ou bien est-ce plutôt un troisième larron qui essaierait de tirer les marrons du feu ? À partir de ce cadavre, Laidlaw voit se multiplier les pistes et les chausse-trappes. En même temps qu'il enquête, des truands et des bras droits des principaux gangs se demandent s'il faut rester fidèles à leur chef ou le trahir pour conserver leurs positions.
Le roman est une sorte de résurrection. William McIlvanney, le père de "Tartan noir", a publié quelques livres dont notamment une série autour de ce personnage de Laidlaw, série qui a été publiée en son temps en Rivages, est que l'éditeur republie régulièrement. Mais la mort de l'auteur avait tout naturellement arrêté cette série. Il laissait pourtant au moins un manuscrit entamé. L'idée est venue de demander à l'un de ses "successeurs" dans la lignée des grands auteurs de polar écossais, Ian Rankin de terminer et de permettre au livre d'être publié. On aurait pu penser que son propre fils, Liam McIlvanney, écrivain (traduit en France chez Métailié) aurait pris le relais comme d'autres l'ont fait avant lui (et le referont). Mais la filiation avec Ian Rankin est peut-être bien plus évidente, et le poids de l'héritage un peu lourd. Il est difficile de déceler la part de l'un et de l'autre dans cette intrigue, tant leurs univers se recoupe souvent. Toujours est-il que nulle part on ne sent les coutures ou le passage de l'un à l'autre. On sait que Ian Rankin aime bien aussi les luttes de pouvoir discrètes ou violentes dans les cercles criminels, et certains chapitres de ce livre nous y ramènent. Le retour de Laidlaw est une surprise et une bonne. Le personnage, dans ses méandres, ses doutes, est décrit avec soin. À travers ses relations familiales, professionnelles, ses contacts avec les gangsters, le portrait se dresse d'un homme obsédé par son métier, par son besoin de rendre la justice, de découvrir la vérité. En quelques scènes (avec son épouse, lors d'un repas avec un collègue et sa femme, ses chefs), le policier renait et acquiert une force évidente, un être que l'on voit parfaitement se dresser devant nous. Le lecteur que nous sommes est toujours un peu circonspect lorsqu'on lui annonce un manuscrit inachevé terminé par un autre, mais c'est là une grande réussite, qui fait revenir un personnage intéressant dans un roman noir de belle facture.
Citation
Toutes les villes regorgent de crimes. Elles en sont le terreau. Rassemblez suffisamment de personnes en un même endroit et, invariablement, la malveillance se manifestera d'une manière ou d'une autre. Telle est la nature de la bête. En général, elle dort, tapie sous la conscience du citoyen lambda.