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Year of the Bat
Cela fait deux ans que Bruce Wayne, célèbre héritier milliardaire, a endossé le costume de Batman pour nettoyer Gotham City de ses criminels et, jusqu'ici, sa croisade a tout de l'échec. Gangrenée par la corruption de ses fonctionnaires et de ses élus, noyée sous le trafic de drogue et la violence, Gotham vit un naufrage que de nouvelles élections, aussi inutiles que les précédentes, ne vont pas empêcher. Mais alors que le maire sortant, candidat à sa réélection, est assassiné par un psychopathe, ainsi que d'autres notables de la ville, Batman et ses rares alliés, vont devoir empêcher le "Sphinx" d'exposer dans le sang des vérités qui pourraient couler Gotham définitivement. Mais quelle différence entre cette justice expéditive et celle que pratique Batman ?
Annoncé puis repoussé, annulé puis ressuscité depuis 2015, The Batman était bien parti pour souffrir les affres du development hell dont sont victimes nombre de franchises, et les multiples péripéties liées à l'abandon de Ben Affleck et à l'arrivée de Matt Reeves étaient loin de rassurer les fans du justicier chauve-souris, également échaudés par le casting du terne Robert Pattinson... et pourtant... Pourtant, The Batman est un excellent film, sans doute le meilleur de la série depuis le Dark Knight de Christopher Nolan. Parce que Matt Reeves, auréolé de son succès sur les derniers volets de La Planète des singes, a décidé de faire fi de tout l'univers DC, de se passer des gadgets techno-bling bling de ses prédécesseurs, et de traiter le tout comme un polar urbain, sombre et nerveux, quelque part entre le Dark Knight (version BD) de Frank Miller et le Gotham Central d'Ed Brubaker et Greg Rucka. D'emblée, ce choix du réalisme paye : le Batman de Reeves n'est pas le millionnaire bardé de gadgets high-tech et couteux qu'était Christian Bale, ni le play-boy bedonnant et débonnaire en armure qu'incarnait Ben Affleck, il n'est d'ailleurs rien d'autre que Batman. Que Robert Pattinson y soit inexistant n'est pas grave parce que Bruce Wayne n'existe pas, il n'y a pratiquement que Batman. Un homme hanté, obsédé par une croisade vouée à l'échec, qui se déplace à moto ou dans une voiture simplement gonflée, vit dans sa cave, et alimente en voix-off son "journal" qui ressemble fort à celui de Rorschach dans les Watchmen, autre justicier borderline. S'inspirant de quelques comics DC (en particulier Batman: Earth One), Matt Reeves se refuse systématiquement à toute allusion aux films de super-héros costumés. Son Sphinx est un simple psychopathe qui ne déparerait pas dans le Se7en de Fincher, ses flics corrompus et ses mafieux pourraient sortir de chez Don Siegel et son inévitable poursuite en voiture du French Connection de Friedkin. Des références largement assumées pour ce digne héritier du cinéma policier des Seventies, qui déroule pendant près de trois heures (sans doute le seul vrai défaut du film, qui aurait gagné à mincir un peu) ses ambiances de cauchemar urbain dans une nuit et sous une pluie perpétuelle, que viennent juste éclairer deux petits plans diurnes. Reste à espérer que The Batman, et son compagnon thématique qu'est le Joker de Todd Phillips soient les nouvelles références à partir desquelles vont être élaborées les suites, inéluctables, de la croisade du Vigilante de Gotham.
The Batman (176 min.) réalisé par Matt Reeves sur un scénario de Matt Reeves et Peter Craig, d'après les personnages créés par Bill Finger et Bob Kane. Avec : Robert Pattinson, Zoë Kravitz, Paul Dano, Jeffrey Wright, Colin Farrell, John Turturro...
Citation
Ils disent que je me cache dans les ombres. Mais je suis les ombres.