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Poche
Réédition
Tout public
Abandonnée par un père
L'histoire de ce drame est atemporelle mais on peut penser qu'elle se déroule entre la fin du XIXe siècle et le début du suivant. Le drame, c'est celui de Rose, ainée de trois filles de la campagne vendue par son père à une vieille famille aristocrate déliquescente, voire dégénérée. On imagine de suite le droit de cuissage du maître sur la servante, mais cela va bien plus loin. Et comme le roman de Franck Bouysse s'ingénie à prendre des chemins détournés, cette chronique ne sera elle non plus pas linéaire. Le récit s'ouvre avec l'homme pour se poursuivre avec l'enfant entraînant Gabriel avant que n'advienne Rose. Le récit choral de Franck Bouysse plante un décor rural avec son lot de confessions taiseuses. C'est avant tout dans un décor minéral et forestier que se déroule l'histoire autour de laquelle gravite Rose. Rose est donc trahie lorsqu'elle est vendue par son père malgré le désaveu de sa mère. Mais dans ce monde-là, à cette époque-là, le père dirige. Rose arrive donc éperdue dans une demeure sise entre une vieille femme et son rejeton. L'un est le diable incarné, l'autre son serviteur. Car à l'étage se trouve la chambre de la maîtresse du domaine. Une chambre mortuaire digne des plus grands contes gothiques (et l'on ne peut s'empêcher de penser à Rebecca, de Daphné Du Maurier, au domaine de Manderley et à Madame Danvers). Un médecin vient visiter périodiquement la femme qui repose sur un lit. Pendant ce temps, une étrange complicité se noue entre Rose et un palefrenier. Mais tout ça c'est avant que la folie ne se défoule sur le pauvre corps de Rose. La maîtresse du domaine étant morte avant d'assurer une progéniture mâle pour succéder au maître, Rose va être violée jusqu'à ce que naissance s'ensuive. Dans l'intervalle, elle sera réduite à rien, à néant. Son père parti la chercher ne trouvera qu'une fin terrible en guise d'expiation tardive. Quant à Rose, son chemin semé d'embûches ne sera pas terminé. Et de loin. Il y aura les meurtrissures maternelles, l'isolement, un journal, les meurtrissures de l'âme, les errements de l'esprit. Mais il est dit que l'histoire écrite par Franck Bouysse suit une boucle. Dès le début, un homme reçoit une étrange confession de la part d'une bonne sœur, et découvre une histoire terrible, celle de Rose. Le dernier chapitre permettra au lecteur de mieux comprendre les tenants et les aboutissants. Et par delà cette histoire, on ne peut qu'apprécier le talent de conteur de Franck Bouysse. Sa manière d'appliquer des traits humains à ses personnages. De leur donner vie en nous faisant ressentir leurs pulsions mais aussi leurs inquiétudes. On est happé par l'injustice qui touche Rose non pas pour un hypothétique pathos qu'aurait pu y mettre l'auteur, mais parce que cette injustice implacable est vraie. L'histoire que nous raconte Franck Bouysse est magnifiée par sa grande crédibilité, et amplifiée par une poésie omniprésente et un sens des mots.
Citation
Ici, c'est pas la folie des autres qui me fait peur, c'est de pas pouvoir m'y réfugier moi.