Contenu
Poche
Réédition
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par René Tesnières
Paris : Le Masque, mai 1992
222 p. ; 17 x 11 cm
ISBN 978-2-7024-2237-3
Coll. "Les Maîtres du roman policier", 2091
Flic noir pour enquête blanche
Quand il fait sa ronde nocturne habituelle en voiture de patrouille dans Wells, ville excentrée de onze mille habitants de l'État de Caroline du Sud, Sam Woods ne s'attend pas à trouver allongé à l'angle de Piney Street et de la grand-route le corps sans vie du chef d'orchestre Enrico Mantoli. Réveillé, le chef de police Bill Gillepsie lui demande alors de sillonner la ville en vitesse, d'aller voir les gares (routière et de chemin de fer) et d'arrêter tout suspect. Dans la salle d'attente de la dernière, réservée aux Noirs, Sam Woods repère sur un banc l'étranger Virgil Tibbs, qui attend le train de 5 h 17. Virgil Tibbs a en sa possession un portefeuille bourré de dollars. Virgil Tibbs est Noir dans une ville du Sud où un Blanc a été assassiné et où les Noirs sont pauvres. Virgil Tibbs est un coupable tout trouvé. Sauf que Virgil Tibbs est un flic de la criminelle de Pasadena et qu'il est plus à même de résoudre cette enquête que Bill Gillepsie, archétype du mec qui a dégotté un travail par passe-droit et qui ne connait rien à rien des procédures criminelles. Les trois hommes vont devoir faire équipe ensemble (un ordre hiérarchique, des pressions de la mairie et une demande de la femme de la victime) pour résoudre au plus vite ce crime dans une ville désindustrialisée accablée par la chaleur. Virgil Tibbs sera toujours sur le fil du rasoir. Les habitants ne comprendront pas qu'un Noir aide des flics blancs, pire leur donne au mieux des directions et au pire des ordres. Dès le début, le torchon brûle entre Virgil Tibbs et Bill Gillepsie. La tension est omniprésente. En ville, des esprits s'échauffent. Pourtant, peu à peu, le flic de Pasadena gagne l'estime de l'équipe de police de Wells. Mais il déterre aussi quelques cadavres (au sens figuré) dans une ville qui ne lui demande rien et n'est pas prête à lui ouvrir les portes d'un dinner réservé aux Blancs. Plusieurs fois, il se trouvera acculé, n'échappant à la mort que d'un cheveu. Comme bien souvent, le meurtre est ordinaire et sa résolution aussi. Tout est dans le déroulé des faits, la lente récapitulation des événements pour déceler l'extra-ordinaire d'une vie nocturne dans une bourgade où rien ne se passe qui ne sorte des clous. Ce qui interpelle tient plus de l'ambiance. La tension omniprésente qui fait qu'à chaque page se trouve un possible traquenard pour Virgil Tibbs. Le livre sera adapté par Norman Jewison avec Sydney Poitier et Rod Steiger, tous deux impeccables, mais avec un peu moins de force que n'en a le roman (déséquilibre de la structure de l'intrigue, ajouts hollywoodiens comme le suprématiste blanc qui cultive ses orchidées ou cette bagarre en toute fin de film), mais en conservant tout ce qui fait le sel : son aspect social très engagé qui fait que deux flics blancs finissent par se dire qu'un Noir mériterait d'être Blanc. Une remarque bête mais qui est cela dit une avancée majeure dans l'Amérique des années 1960. Dans la chaleur de la nuit, c'est un roman à haute tension dans une Amérique raciste qui déroule son propos avec intelligence et talent au sein d'une intrigue... haute en couleur !
Citation
Bill Gillepsie eut un sourire grimaçant. Plus de trois mille kilomètres, ça faisait loin pour beaucoup de gens, et encore plus pour les gens de couleur. Assez loin pour qu'ils puissent croire qu'on n'irait pas les chercher là-bas. Gillepsie se pencha sur son bureau, pour mieux marquer sa question.
- Et qu'est-ce que tu peux bien faire à Pasadena en Californie pour gagner autant d'argent ?
Le prisonnier attendit un instant avant de répondre :
- Je suis officier de police, dit-il.