Contenu
Poche
Réédition
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Fabrice Pointeau
Paris : 10-18, mai 2022
264 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-264-08000-4
Monde glissant vers l'inconnu
Colburn a vécu dans la petite ville de Red Bluff, Mississippi. Suite au suicide de son père, qui a pétrifié toute la ville, Colburn s'en est allé. Entretemps, une plante grimpante, le kudzu, a commencé à se répandre et a "colonisé" les terres et les maisons. C'est une lutte régulière des communautés pour leur survie que de détruire ou ralentir l'avancée de ces plantes. C'est aussi un terrible objet d'inquiétude : qu'est-ce qui vit, qui court, se terre sous les nappes vertes qui peu à peu se répandent ? On entend des bruits, comme si des bêtes glissaient, attendant des proies, sous les feuillages. Au moment même où Colburn revient dans la ville en cette année 1976, travaille et lie des relations avec une serveuse une famille débarque également, habitant dans sa voiture - il ya un père tyrannique et violent, sa femme et son fils, vivant d'expédients. Puis la mère va s'enfuir. Mais a-t-elle quitté la ville ? Est-elle morte ? A-t-elle été assassinée par son compagnon qui aurait jeté le corps dans les mines locales, des torus qui disparaissent lentement sous la pression des kudzu ? Un shérif mène une lente enquête. On surveille le fils qui se promène dans tous les coins et dont les jeunes ennemis du village ont eux aussi une tendance à disparaître. Mais peut-être n'est-ce que les plantes et ce qu'elles cachent qui sont responsables ?
Le roman de Michael Farris Smith est basé sur cette étrangeté, sur cette plante qui sonne de manière symbolique, comme un mal qui envahirait lentement mais sans pause, à l'instar d'un roulant compresseur, le monde. Au milieu de cette invasion, des humains tentent de créer leur propre vie, entre certains qui décident de choisir la violence, d'autres qui nouent des relations, qui essaient de se construire malgré le monde qui s'écroule lentement. Il y a des blessures qui remontent à la surface, des non-dits, des petits gestes et des scènes que l'on perçoit confusément dans des clairs-obscurs (le récit se passe souvent dans des maisons enténébrées, sous des feuillages touffus, dans des grottes que les lampes n'arrivent pas à éclairer correctement, et s'écroulant régulièrement). Récit policier, dans la mesure où il y aura des disparitions, des décès et des coupables, Blackwood est surtout le chant désespéré d'un monde qui s'écoule sans cataclysme, comme une porte de métal qui s'évanouit sous la rouille, comme une lente montée des eaux. Écrit avec soin, symboliste, le roman de Michael Farris Smith avance, prenant son temps et hypnotisant ses lecteurs.
Citation
Il était assis sur les marches en béton du proche et avait entendu le camion arriver à une rue de distance puis le véhicule avait tourné à l'angle et il l'avait regardé rouler de maison en maison, et à mesure qu'il approchait il avait senti la peur monter dans sa petite poitrine et avait été persuadé qu'il y avait autre chose dans cette poubelle, une chose qui disparaitrait et ne reviendrait jamais.