Tant qu'il y a de l'amour

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Roman - Noir

Tant qu'il y a de l'amour

Psychologique - Social - Domestique MAJ mardi 06 septembre 2022

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 25 €

Sandrine Cohen
Saint-Étienne : Le Caïman, septembre 2022
560 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-919066-95-7

Voyager à l'aveugle

Le titre de ce nouveau roman de Sandrine Cohen fait bien entendu référence à une chanson. De plus, le nom de l'auteur entre en résonnance avec Suzanne, le personnage principal. Tout ça pourrait indiquer qu'il y a derrière le roman une allusion à la chanson et ce sera encore plus frappant car le livre est régulièrement ponctué de chansons, qui rythment à la fois la vie des personnages, leur sert parfois de béquille émotionnelle ou de manifestation tangible de leurs joies et de leurs peines. Le début du roman prend l'allure d'un début d'ouvrage de Romain Gary, quand il signait sous le pseudonyme d'Émile Ajar car nous sommes dans la description simple, touchante et émouvante d'une famille un peu "bancale". Il y a donc la mère, Suzanne, ses quatre enfants, de pères différents. Si deux des géniteurs n'apparaissent pas, les deux autres en revanche sont visibles : l'un est un homme marié qui a "fauté" avec Suzanne, a demandé le pardon de sa femme et continue de voir son fils et les autres enfants qu'il considère comme les siens. L'autre est plus ténébreux et achève une peine de prison pour violences conjugales. Il veut récupérer sa fille, ce qui complique la vie de la famille. Dans une ambiance ouverte, un peu bohème, avec un petit travail dans un magasin, Suzanne essaie de jongler entre sa vie, ses obligations et ses envies. Une sorte de vie douce dans un cocon où les enfants se sentent bien même s'ils ont grandi en se "déformant un peu". Mais un rien peut faire basculer tout cela, c'est le propre des textes noirs, et divers événements vont perturber, transformer un petit coin de paradis (qui manque d'un vrai parapluie).

Le récit de Sandrine Cohen se construit à partir de la description de ces petits riens qui font la vie, des gestes qui montrent l'amour entre les membres de cette famille, qui est presque une tribu exotique perdue au milieu d'un Occident un peu trop libéral, entourée de requins parfois aux dents très acérées. Rythmé par les chansons et aussi par des flashs d'information qui montrent souvent la vilenie du monde face à cette petite maison de banlieue sur laquelle les vents soufflent, comme le loup autour des différentes maisons des trois petits cochons, Tant qu'il y a de l'amour montre combien il est difficile d'essayer de mener sa vie tranquillement, entre soi, car il y a toujours des gens qui veulent s'occuper de votre vie, qui ont besoin de s'appuyer sur des lois (et la loi n'est parfois pas juste) ou sur la religion (le récit se déroule alors que viennent de survenir les attentats du Bataclan). Sandrine Cohen construit ses personnages avec soin, les présente avec délicatesse, les rend humains et vivants sous nos yeux. L'émotion est plus que palpable, rendue de manière fine et mêmes les moments qui pourraient paraître plus "glauques" restent imbriqués dans cette douceur et cette harmonie que tente de dégager une mère qui lutte contre le monde et contre ses démons intérieurs. Sans rien divulguer, le récit bascule plusieurs fois de manière éminemment logique, pour partir vers encore plus de noirceur, mais une noirceur illuminée par la fratrie soudée autour de vraies valeurs transcendant la période chaotique que nous vivons. Un roman qui donne la pêche et laisse penser que, malgré tout, après la pluie viendra un beau temps symbolisé par la couverture aussi craquante que le roman qui se cache dessous.

Citation

Ils s'arrêtent, essoufflés. Comment imaginer le choc de ces enfants qui n'ont jamais vu la mer et qui la découvrent pour la première fois dans ces conditions-là ? Ils ont le souffle coupé, de leur course et d'émotion.

Rédacteur: Laurent Greusard lundi 22 août 2022
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