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L'Élevage du brochet en bassin clos
Grand format
Inédit
Tout public
82 p. ; 21 x 12 cm
ISBN 978-2-36224-137-6
Coll. "Polaroid"
Balade musicale dans la France profonde
Tous les cinéphiles se souviennent de Délivrance, de John Boorman, et de la séquence où des rednecks s'occupent de pauvres gars venus faire du rafting dans leur coin paumé. Nombre de films (ou de livres) ont d'ailleurs mis en scène des gens de la campagne, particulièrement bornés et violents, ce qui a donné la hicksploitation. Mais ce type de personnages est-il limité aux États-Unis ? Jean Vautrin avec Canicule avait ouvert une piste dans la Beauce. Pierre Mikailoff décide de nous en présenter qui vivent tranquillement dans un petit village à côté d'Abbeville. Nous sommes dans les années 1970 et les hippies commencent à circuler dans le pays. Deux frères décident que si on en attrape un de temps en temps, qu'on lui soutire son argent et qu'on le donne à manger à ses poissons, cela ne peut que ragaillardir l'économie locale et surtout la leur. En plus qui va s'inquièter d'un hippie ?Mais aujourd'hui, les choses vont peut-être être un peu plus compliquées. Tout d'abord, au bord du village, ce n'est pas un hippie, mais les restes d'un groupe de rock, paumé, composé de quatre membres (enfin rapidement trois), qui s'échoue à quelques kilomètres de la ville, leur minibus en panne. Au même moment, de l'autre côté du village, c'est un gros bus à impériale qui, lui aussi, s'essouffle et tombe en panne. Seulement, ce n'est pas n'importe quel bus, mais celui de Paul McCartney qui entend faire une deuxième carrière avec Wings, son nouveau groupe, qui ne décolle pas vite pour l'instant mais qui n'en reste pas moins une star. Les deux frères ont les yeux plus gros que le ventre et ils se disent que, ma foi, des hippies en grappe c'est toujours de la bonne nourriture pour les brochets de leur étang. Et ils savent que les habitants du village, qu'ils tiennent sous leur coupe, ne diront rien. C'est peut-être compter sans une jeune femme qui ne veut plus jouer leur jeu.
En noirceur du propos et dérision (l'auteur a dû côtoyer des stars has been ou d'autres qui n'ont jamais percé), entre thème de l'Ouest profond et réalité du bocage normand, L'Élevage du brochet en bassin clos ne choisit pas et maintient avec vigueur son texte sur cette ligne étroite entre la dureté et les rires. On imagine facilement comment cela pourrait être adapté en un film grinçant avec des "tronches" avinées face au côté so British. L'ensemble se construit sur un cours récit qui par son format mérite de retenir l'attention sur les personnages et les actions sans laisser le temps de s'appesantir. Pierre Mikailoff s'était essayé à des textes plus longs, mais il excelle aussi dans la forme courte, dans le ramassé, et son portrait d'un manager de la maison de production en contrepoint est également un grand moment.
Citation
Mick inhala une nouvelle taffe en contemplant tristement les alignements de betteraves qui se perdaient à l'horizon. Cette confidence de Gary confirmait qu'il était entouré de losers. Rien que ce nom, The Famyly, qui puait l'arnaque à plein nez. Il était temps de refermer ce chapitre de son existence.