Contenu
Une petite société
Grand format
Inédit
Tout public
350 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-5719-2
Coll. "Noir"
Au cœur de la grisaille humaine
Dans ce nouveau roman de Noëlle Renaude, nous trouverons une jeune femme employée comme comptable d'une entreprise de gâteaux. Depuis la fenêtre de son bureau, elle regarde l'immense propriété en face. Une propriété avec des gens bizarres et des comportements étranges, peut-être aussi parce qu'elle voit des choses mais ne sait pas tout. Son chef de bureau, lui, ne regarde pas et il a tout l'air d'un homme coincé par la vie et engagé dans la routine qui le maintient. Cette jeune femme qui a une famille, mais semble vivre par procuration, a aussi la curieuse tendance à se retrouver dans des accidents mortels dont elle réchappe à chaque fois. Nous trouverons aussi les habitants de la dite propriété : un riche homme d'affaires, sa femme et sa maîtresse à lui, qui vit également dans la maison. Il y a aussi Tom, un enfant handicapé, qui mange beaucoup, regarde beaucoup et observe la petite voisine. Tom peut aussi se servir d'une pelle (est-ce un clin d'œil à Arsenic et vieilles dentelles ?), mais s'il a peur d'aller dans la cave pour enterrer les morts de la malaria, il peut quand même creuser des gros trous dans le jardin. Enfin, il y a aussi une vieille dame qui loue une partie de sa maison pour avoir un complément de revenus. Une vieille dame sans histoire certes mais qui équipe son chien de micros et qui le fait promener par son locataire afin de l'espionner. Et ce locataire, qui se prétend agent commercial, passe sa vie à manger des sardines en boite sans pour autant courir les rues pour vendre ce qu'il devrait vendre. Quand des policiers, des assistantes sociales vosgiennes (obsédées par leur prof de danse classique), une juge et sa greffière (qui devient lentement folle des consignes laissées par la juge), des gardes du corps qui entendent profiter de la situation, des détectives privés (surtout privés de clients), des femmes qui veulent enquêter pour savoir qui est la deuxième maitresse de leur amant, se mêlent à ce ballet étrange, où passeront quelques morts, comme par inadvertance, le récit s'emballe et raconte effectivement une petite société particulière.
Après Les Abattus, Noëlle Renaude revient avec un roman aussi fort et prenant. Ici, elle y injecte une bonne dose d'humour discret, autour du voyeurisme, des gens qui s'observent, se surveillent et ont tous des choses à cacher. L'intrigue sinue, virevolte, bifurque, revient tout d'un coup, fait se croiser des personnages dont les comportements vont influer les uns et les autres. Par exemple, à un moment, dans le brouillard, un personnage secondaire double une autre voiture, provoquant sans le savoir l'embardée d'un autre personnage, que l'on retrouvera des chapitres plus loin, coincé dans sa voiture, dans les bas-côtés. Autre exemple, le garde du corps (engagé pour surveiller les exactions possibles d'un handicapé mental) va boire des verres dans un PMU et entame de longues discussions avec le locataire de la vieille dame et ils deviennent amis. Comme dans la vie, ces gens qui habitent ou travaillent dans le même coin, se croisent, s'évitent, se côtoient, mais leurs actions interfèrent les uns avec les autres. Au détour d'un chapitre, un éclairage sur l'un ou l'autre change les perspectives (le chef comptable entre autres) et se crée sous nos yeux un monde balzacien moderne, une comédie humaine, ici aux tonalités noires dans le traitement été les actions, même si les scènes sanglantes ou très violentes sont évitées, esquissées, passent sous les radars, évoquées par quelques mots discrets au sein d'une narration efficace. Un petit bijou d'humour noir, de cynisme rose (si l'on me permet ce genre d'oxymore) qui évoque la vie, la grisaille, les petits bonheurs (la joie après une soirée en rentrant de dénigrer les amis qui vous ont invités) et les grands malheurs – ou l'inverse - et un roman qui a toute sa place dans une bibliothèque.
Citation
La vie des gens d'en face, Louise n'en perçoit cela dit que l'écume. Elle en parle à ses collègues, mais ses collègues s'en tapent. À la maison, ses copines, pareil, tout le monde s'en tamponne de la vie en pointillé des gens qu'on ne connaît pas. Je m'excuse mais je les ai sous le nez tous les jours.