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La cage sert aussi à reprendre des forces
L'action du roman de Fanny Wallendorf se situe au moment de l'exode, au début de la Seconde Guerre mondiale, lorsque la France est soumise au Blitzkrieg allemand. Lors de cette fuite sur les routes de France, Thérèse a perdu de vue son frère. Seul souvenir, il lui aurait dit que leur but était de se rendre dans le Vercors, du côté de Valchevrière. Les suites ne seront pas des plus heureuses pour Thérèse. Elle sera prise en charge, un peu contre sa volonté, par un homme étrange, surnommé par elle, le Chasseur, qui vit dans une ferme, sur le plateau du Vercors, et s'occupe sans doute de braconner. Mais son plaisir à lui est de capturer des animaux de la forêt et de les enfermer, de les nourrir et de les regarder dans des cages dans sa propriété. Il utilisera Thérèse comme aide, lui montrera la nature mais la surveillera étroitement, la gardant prisonnière. Là-dessus, du temps passera. Nous nous retrouverons en 1944. Thérèse aura eu le temps de regarder et d'observer son geôlier. Même s'il connait la forêt comme sa poche, s'il est infatigable, s'il est capable de suivre n'importe qui à la trace, elle pensera qu'à présent, elle en sait assez pour lui échapper et rejoindre son frère qui se trouve à trois jours de marche. Il lui suffira de fuir au meilleur moment. Mais elle ne sait pas qu'en même temps, les Allemands commencent ont décidé d'envahir le Vercors. Mais cela ne l'aurait pas empêché d'agir car elle a confiance en elle et surtout elle pense s'être assez connectée à la nature pour s'en sortir.
Récit court, proche du conte (dans le sens de "La Belle et la Bête"), Jusqu'au prodige (dont le titre fait référence aux derniers chapitres, le prodige étant quelque chose de très spécial) est un récit rare et précieux. Évidemment, comme l'indique la trame, ce n'est pas un roman policier au sens précis du terme mais il joue autour de thèmes proches, en leur donnant un accent. On retrouvera des éléments dans des romans lus autrefois ou récemment (un homme qui fait prisonnier une jeune fille pour lui montrer la nature), quelques pages qui pourraient s'être échappées de Bois-aux-Renards, le dernier roman d'Antoine Chainas, ce besoin contemporain de se "ressourcer", de ne plus réfléchir, mais de courir, d'avancer selon son instinct, de dormir en contact avec la nature. La condition humaine reste là, symbolisée par un couple étrange (un Allemand et un résistant qui s'observent et ne savent s'ils doivent tirer), le Chasseur qui oscille entre homme de la nature ou monstre sadique. Les cent pages courent ainsi, traversant les lieux, les forêts, les sous-bois, croisant des oiseaux, des renards, des bruits dans la nuit, quelques réflexions et retours en arrière, pour nous décrire une femme qui avance, qui se jette vers un futur, vers une famille qu'elle aime, dans une symbiose avec une nature qui protège, qui cache, qui soigne et qui enlève du poids au monde.
Citation
Puis j'ai constaté qu'il ne se trompait jamais. C'était effrayant, cette perception des proies et des prédateurs autour de nous alors que je ne discernais absolument rien.