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Inédit
Tout public
Traduit de l'italien par Joseph Incardona
Bordeaux : Finitude, février 2023
256 p. ; 20 x 14 cm
ISBN 978-2-36339-179-7
Dans les montagnes idylliques ?
Les Français ont peut-être entendu parler d'un scandale qui s'est déroulé sur l'île de la Réunion. Dans les années d'après-guerre, le gouvernement y avait pris des orphelins, parfois même des enfants qui avaient des parents, afin de repeupler la Creuse, entre autres, les "offrant" pour adoption à des familles paysannes qui pourrait s'en occuper, voir les utiliser comme ouvriers agricoles. Les Suisses n'ayant pas de colonies, n'avaient pas cette solution pour repeupler leurs campagnes, et donc ils ont utilisé les orphelins locaux, les enfants de fille-mère. C'est ainsi qu'Ida, jeune fille de treize ans, doit quitter son beau-père pour rejoindre une ferme isolée, perdue dans les montagnes. Là, elle va faire connaissance avec ses nouveaux "protecteurs" : un homme taiseux, qui lutte contre ses passions sexuelles pour la jeune fille, boit et travaille beaucoup, et son épouse, perturbée, qui oscille entre envie d'aider cette jeune fille et besoin de la frapper, de la martyriser. Dans le village, il y a également des adolescents "indigènes" qui ont choisi de rester, d'autres qui ont disparu pour partir vers la ville (l'un d'eux a même abandonné sa copine et son bébé). Ces adolescents tournent autour d'Ida, sous le regard du maire du village, un homme qui essaie de gérer au mieux, et d'un vieux pasteur qui commence à perdre la tête.
Des adolescents partis qui sont peut-être plus présents que ceux qui vivent encore là, la description minutieuse des affronts physiques et moraux que doit subir une jeune fille, déjà perturbée par la mort de sa mère, dont elle se sent un peu responsable, une description fine des autres personnages qui peuplent ce roman. Par-dessus ces descriptions, une intrigue qui, comme les personnages, se tait, reste silencieuse mais se dévoile peu à peu. De fait le roman de Luca Brunoni se découpe en deux parties. Une première où nous allons observer les événements vus par le prisme d'Ida, puis une seconde où les mêmes éléments (ainsi que d'autres plus nouveaux) sont racontés par des yeux alternatifs et offrent ainsi une perspective différente. L'atmosphère de ce lieu, lourde et pesante, est rendue avec soin, avec un souci des détails qui rend le roman extrêmement vivant, alors qu'il traite d'un lieu qui se meurt. Se servant d'un fait divers, Luca Brunoni avec Les Silences offre un texte noir, sombre sur les êtres et les situations, où il se pourrait parfois, à l'image du paysan qui lutte contre ses propres pulsions, que l'humanité et l'espérance puissent surgir. En quelques pages, sans scène particulièrement violente, mais de nombreuses extrêmement rudes, l'auteur permet à son roman le luxe de rester dans nos mémoires.
Citation
Bastian le sait bien. Certains soirs, quand il revient à la maison la tête lourde des complaintes et des problèmes de ses congénères, il lui arrive aussi de rêver d'une vie loin du village.