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Roman - Noir

Mauvaise main

Psychologique - Social - Rural MAJ jeudi 02 mars 2023

Note accordée au livre: 4 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 9,9 €

Gilbert Gallerne
Paris : La Mécanique générale, avril 2022
316 p. ; 17 x 11 cm
ISBN 979-10-95776-37-6

Born to loose, version Saint-Dié

Lorsque l'on joue aux cartes, il arrive d'avoir une mauvaise main, c'est-à-dire des cartes qui ne peuvent que nous aider à perdre. C'est peut-être ce qui arrive en ce moment à Éric : il a perdu son travail, n'a plus d'économies et sa femme est sur le point d'accoucher. En désespoir de cause, il décide de faire profil bas et de regagner la scierie de son enfance, celle qu'il a fui des années plus tôt. En effet, et c'est peut-être là qu'il faut prendre le roman de Gilbert Gallerne aussi dans son sens littéral, alors qu'il était enfant il s'est trop approché d'une scie en marche et y a perdu une main. Le retour de l'enfant prodigue dans le cœur des Vosges n'est pas fêté avec la mort du veau gras. Éric arrive dans la maison où vivent sa mère, ses frères et leurs familles. L'ambiance est pesante car deux bouches de plus à nourrir, c'est compliqué pour l'entreprise familiale qui bat de l'aile. De plus, les relations sont tendues, et tandis qu'Éric essaie de retrouver du travail, sa compagne découvre un clan familial soudé, où un oncle simplet sert de souffre-douleur à tous, où les deux jeunes cousins sont sans cesse houspillés et doivent se battre l'un contre l'autre pour obtenir une meilleure situation dans le groupe. Dans cette atmopshère rurale pesante, où tous se taisent, où le plus fort exerce son droit de cuissage, le jeune couple observe des choses bizarres, des comportements étranges des deux frères, Éric et Léo. Qu'est ce que cela cache ? Et plus cela avance, plus Éric a des souvenirs qui lui reviennent. Était-ce vraiment un accident qui lui a coûté une main ? Quant à sa compagne, elle s'inquiète de plus en plus car, peu à peu, il semble en même temps reprendre corps avec sa famille, se trouver bien dans ce retour au clan.

Gilbert Gallerne, qui a aussi publié et traduit sous le nom de Gilles Bergal, a à présent une œuvre conséquente derrière lui. Il excelle dans ces atmosphères tendues, dans ces relations venimeuses entre les êtres, entre ces gens qui essaient de s'en sortir et, en même temps, éprouvent parfois une délectation morbide à ne pas vouloir quitter le marais dans lequel ils s'engluent. Ponctué de scènes fortes, âpres et prenantes (la tentative de partir accoucher au milieu d'un orage, la rencontre avec des truands de la ville...), le roman, comme placé sous les auspices du maître local qu'est Pierre Pelot, est poisseux, noir et sombre. Chaque bouffée d'air semble viciée et les personnages surnagent dans le récit comme des poissons hors de l'eau. Entre accouchements, bagarres, violences et acteurs qui se soumettent à la fatalité des lieux et des situations, l'auteur rend avec force, avec un style qui reste souvent très descriptif, cette chape de plomb de la misère rurale, de ce sordide qui n'est pas l'apanage des banlieues, de cette vie qui s'épuise et renoue avec ses instincts primordiaux.

Citation

Il rêve qu'il voit une grande roue tourner à toute vitesse, cerclée de dents. Elle le happe et il se met à tournoyer à son tour, inexorablement attiré vers le centre comme par un tourbillon.

Rédacteur: Laurent Greusard jeudi 02 mars 2023
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