Contenu
Poche
Réédition
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean George
Paris : Le Masque, avril 2018
252 p. ; 19 x 12 cm
ISBN 978-2-7024-4890-8
Coll. "Fac-similé prestige"
Du poison et des larmes
Quand le romancier Jeff Marle, après une dizaine d'années, revient à l'invitation du juge Quayle frapper à sa porte, il ne se doute absolument pas qu'il va être le témoin privilégié d'un drame familial des plus terribles. Dix années auparavant, étudiant, il trainait avec les cinq enfants du juge (deux frères, trois sœurs) avec insouciance. Mais depuis, Tom, le préféré du juge, a été mis à la porte, et toute la famille vit dans le non-dit sous une chape de plomb. L'ancien juge à la Cour suprême a écrit un ouvrage et perdu toute sa fortune dans des actions qui ont chuté sévèrement. Jenny s'est mariée avec le docteur Walter Twills. La famille vit au crochet du docteur et fait comme si de rien n'était. Quant au juge, il est dans la crainte de voit surgir la main de marbre, celle qui manque à l'imposante statue de Caligula qui trône dans son bureau et qu'il a vu animée à travers l'une des fenêtres. Surtout, Jeff Marle à peine arrivé est témoin d'une double tentative d'empoisonnement : le juge, d'une part, avec de l'hyoscyamine dans de l'eau de Seltz, sa femme d'autre part avec de l'arsenic dans un velouté. Sans la diligence du médecin, les deux seraient morts à l'heure actuelle. Pour Jeff Marle, qui a déjà collaboré avec la police, une enquête commence. Arrivent alors un autre docteur et un policier, puis un détective professionnel excentrique. Quand le docteur Twills est retrouvé assassiné, le drame prend une autre tournure, qu'il faudra analyser à partir d'une boite d'arsenic disparue, de morphine administrée, d'une hachette, de document brûlés dans la cheminée et d'alibis vérifiés chronologiquement à partir des déplacements des uns et des autres dans la maison.
John Dickson Carr, adepte des meurtres en chambre close avec ses détectives fétiches Gideon Fell et sir Henri Merrivale, propose ici un huis-clos victorien en terres américaines. Huit personnes d'une même famille gravitent autour d'un manoir ancestral plombé par une ambiance néfaste. Tous souffrent de pathologies et vivent de façon cordiale tout en se détestant. Mais l'intérêt de ce roman réside en l'assemblage de petits faits qui conduisent invariablement au drame. Petits faits des uns et des autres qui orientent l'assassin tout en en faisant par ricochet une victime. Non content de cette intrigue, le romancier accumule les enquêteurs, au nombre de trois, dont un ne sera pas toujours présent (l'officiel) alors que le plus excentrique s'avèrera le plus clairvoyant. Identiquement, trois poisons et une arme contondante viennent parfaire le décor pour seulement deux meurtres si ingénieux qu'ils n'en sont pas croyables. L'intérêt de la fiction policière dans toute sa splendeur avec ici et là quelques touches intelligentes et érudites. On pourra regretter une fin avec discussion interminable entre deux protagonistes, mais nécessaire à l'époque pour recouper tous les fils d'une intrigue dont rien n'est laissé au hasard. Soulignons le beau travail de façonnage qui propose un ouvrage à la couverture rigide et une jaquette qui reprend l'illustration originale de Jean Bernard des premières publications, et qui apporte une touche oldy à ce whodunit classique et distrayant.
Citation
Quand l'empereur Claude était malade, entouré de ses gardes, ils réussirent quand même à le tuer en empoisonnant la plume qu'il s'enfonçait dans la gorge pour se faire vomir. Aujourd'hui, on n'a plus de ces trouvailles ; on fourre de l'arsenic dans le café de sa victime, ou bien – méprisant des méthodes si efféminées – on se sert tout bonnement d'une mitrailleuse.