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Inédit
Tout public
Traduit du japonais par Silvain Chupin
Paris : Rivages, octobre 2020
348 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-5062-9
Coll. "Noir"
Entre folie, dépression et réalité
Otsuki est un raté. Cet ancien étudiant viré de l'université, impliqué dans une sordide affaire de coups et blessures (il a essayé d'étrangler sa partenaire lors de jeux sexuels), ancien toxicomane qui a réussi à se mettre à dos tous ceux qui lui ont tendu une main secourable, vivote dans un petit appartement, en soutirant un peu d'argent à des femmes qui l'entretiennent. Un jour, il rencontre un ancien camarade d'école, lui aussi aux mœurs douteuses. Ce dernier l'entraîne vers son patron, un maître calligraphe, qui lui offre une grosse somme d'argent pour continuer un film qu'il est en train de préparer. On lui montre les premiers extraits de ce film, scènes avant-gardistes où se mélangent des insectes en dévorant d'autres, des paysages, et un acte sexuel filmé de manière extrêmement crue entre une jeune fille, Tomoé (le nom a de nombreuses significations liées aux idéogrammes pour les Japonais) et un homme, sorte de montagne, un peu débile et sans doute très violent. Et voilà Otsuki embarqué dans une bien étrange histoire, où apparaissent des yakusas qui le frappent, où sa maîtresse qui vient de le plaquer s'avère avoir, elle aussi, détourné de l'argent et volé des livres de compte d'un homme en délicatesse avec la loi, où le maître calligraphe qu'on lui a présenté est mort depuis quelques années. Et lorsqu'il rencontre la belle Tomoé, qui n'est autre que la petite fille du calligraphe, les choses se compliquent encore. Quand les lieux où il retrouvait son patron semblent être abandonnés depuis des années, que les pressions des gangsters se font plus insistantes, qu'il ne sait plus si ce qu'il vit est réel ou inspiré des scènes du film qu'il a tourné, Otsuki sombre.
Souvent le roman policier japonais (ou du moins les versions les plus abouties dont nous disposons en Europe) ne ressemble pas aux canons du genre. Le récit policier se déroule et s'épanouit dans des univers oniriques, fantasmés, où il est difficile de faire la différence entre la vérité et le rêve. C'était déjà le cas chez "l'ancêtre" du genre Edogawa Ranpo et très bien continué dans l'œuvre, entre fantastique et policier, de Haruki Murakami. Ou alors, pour les amateurs de cinéma rétro, des œuvres tel que Meurtre dans un jardin anglais, de Peter Greenaway, où l'imagination du lecteur/spectateur est titillée jusqu'à la fin, où l'on découvre qu'il y a eu crime sans doute, mais sans en être bien sûr. Servi par une écriture (ou une traduction) précieuse et précise, par des atmosphères qui évoqueront l'auteur de La Fin des temps ou les délires hallucinés d'un Franz Kafka, Le Calligraphe est un récit envoûtant, ensorcelé, qui ouvre la porte à des images et de la rêverie.
Citation
L'œil qu'il me reste de ma tête à moitié dévorée et, d'autre part, les yeux de Tomoé, qui est en train de me mastiquer, sont pareillement dépourvus de toute expression, et comme Tomoé tout à l'heure, je pousse des hurlements indescriptibles.