Contenu
Poche
Réédition
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Paul Simon Bouffartigue
Paris : 10-18, mars 2023
476 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-264-08156-8
Coll. "Polar", 5843
Les gangsters portent l'uniforme
Baltimore, années 2010. Aux yeux de ses supérieurs, Wayne Jenkins est un super-flic. Ambitieux, tenace, grande gueule et proactif, il multiplie arrestations et saisies à faire chavirer les statistiques de l'une des villes les plus violentes du pays, à la tête d'une unité spéciale conçue sur mesure pour lui. Mais comme la rue le raconte, Jenkins a un autre visage : raciste, violent, menteur, il a également l'habitude de s'emparer, à son profit, de la drogue et de l'argent saisis lors de ses contrôles d'identité. Presque par hasard, une enquête opiniâtre va révéler que derrière les performances de la Gun Trace Task Force se cache en réalité une bande de flics pourris se livrant à des cambriolages et au trafic de drogue à grande échelle.
Successeur de David Simon au Baltimore Sun, Justin Fenton a été amené, au cours de sa carrière, à couvrir le quotidien de Baltimore, ville déshéritée que l'on connaît désormais bien grâce aux reportages et séries de son aîné (The Corner, The Wire). Comme lui, il en connaît chaque rue, chaque immeuble de brique condamné, et il en a vu la chute et les tentatives pour sortir de la spirale qui ont entrainé par le fond d'autres métropoles symbolisant la ruine du rêve américain. C'est en parallèle des manifestations liées à la mort, suite à une arrestation violente, d'un jeune homme des cités, qu'il découvre les pratiques violentes et criminelles de Jenkins et son unité, armes d'une administration tellement avides de résultats qu'elle est prête à fermer les yeux devant toutes les exactions de ses troupes de choc. Alors certes, le thème de la corruption policière n'est pas nouveau dans la littérature noire, mais l'ampleur des faits dénoncés par Justin Fenton dans son reportage (et par David Simon et George P. Pelecanos dans l'excellente mini-série qui en a été tirée) donne le vertige, la valse hésitation des politiques et de l'administration qui se contentent de limoger quelques têtes pour au final ne surtout rien changer montre bien l'impuissance d'une police à se réformer face à des exactions qui la coupe durablement d'une population. Devant la dérive de Jenkins, bon père, mari aimant, ami fidèle, et criminel endurci, et d'une poignée de flics si proches des voyous et des dealers qu'ils le deviennent eux-mêmes, la frontière entre le Bien et le Mal s'efface, et ce que révèle La Ville nous appartient, ce n'est pas l'histoire d'une pomme pourrie, mais bien celle de tout un système qui dysfonctionne. "No Justice No Peace" scandent les manifestants face aux bavures policières visant essentiellement la population noire, et hélas, à lire Justin Fenton, ce slogan, malgré la condamnation de sept policiers corrompus, reste toujours cruellement d'actualité.
Citation
Si les membres de son escouade avaient pu montrer une certaine réticence à l'idée de le suivre dans ses combines, le sergent Jenkins n'allait pas tarder à obtenir des renforts. Il allait bientôt s'adjoindre une nouvelle équipe de policiers qui auraient moins de scrupules à utiliser leur insigne pour se livrer au crime.