À cloche-cœur

Roman - Noir

À cloche-cœur

Violence sisyphienne machiste

Dimanche soir. En pleine nuit, non loin de Villers-Cotterêts, après une ultime dispute, Michel frappe Agnès et l'éjecte de la voiture. Puis il s'arrête à une auberge pour l'attendre à cinq cents mètres de là. Seulement Agnès ne vient pas et Michel se résout à revenir sur ses pas. Puis, devant l'absence d'Agnès, il retourne chez son frère ainé Boris et sa compagne Célia, chez qui le couple avait passé le week-end. Au matin, alors que Michel dort, la radio annonce la découverte d'un corps de femme complètement défiguré retrouvé dans les environs de la séparation. Le doute s'installe chez Boris et Célia. Mais Michel clame son innocence. Seulement, une femme qui disparait et une autre qui meurt au même endroit à la même heure c'est plus qu'un hasard. Quand le capitaine de gendarmerie Barois se présente au domicile du frère de Michel, embarque la voiture (légèrement) accidentée de Michel, puis l'emmène au poste, le doute commence à se faire plus pressant. Et quand un homme, ancien de Sainte-Anne, vient s'accuser du meurtre, Michel est innocenté. Mais est-on innocent de ce qu'on a fait ou de ce qu'on pourrait faire, voire de ce qu'on fera ?

Prix du roman d'aventure en 1981, À cloche-cœur, initialement publié sous le titre L'Amour à la carte en 1979, de Catherine Arley, est une étude épurée de caractères partiellement autobiographique (on peut voir en Agnès des éléments de l'auteure liés à l'histoire de son roman La Femme de paille). Écrit avec un style simple, efficace et envoûtant, à la manière des romans de Boileau-Narcejac, le roman s'attache à fouiller les tréfonds psychologiques de ces quatre personnages principaux qui gravitent autour de l'enquête de Barois, et qui sont dans un perpétuel rapport de force. La romancière plante un décor égocentrique qui se déroule sur quelques jours et deux couples, voire trois. Michel est un essayiste méconnu frustré par la réussite d'Agnès, qui a écrit (commis serait plus juste) une nouvelle par désœuvrement en passe d'être adaptée au théâtre et au cinéma aux États-Unis. Pour Michel c'est une injustice et une offense à son propre talent. D'un certain côté, il vit également dans l'ombre de son frère ainé, Boris, peintre reconnu, qui doit aller exposer à Londres. Mais dans l'ombre de Boris, il y a également Célia, sa femme, qui s'est complètement dévouée à son art à lui. Qui a sacrifié ce qu'elle est et ce qu'elle aime. La disparition d'Agnès va permettre à cet équilibre précaire de tanguer. Pourtant, Catherine Arley escamote un temps son drame. Redonne une chance aux personnages. Mais ou le fatum ou le fait que Michel n'aura rien appris de cette triste expérience conduit tout droit et inéluctablement à un nouveau drame. Si le roman se clôt de façon désabusé, Catherine Arley a cependant écrit une histoire forte sur des femmes qui choisissent deux voies opposées pour quasiment une même destinée. Aujourd'hui méconnue, Catherine Arley mériterait pourtant que l'on continue d'arpenter son œuvre qui coure de 1953 à 1990. Cette réédition est une jolie surprise.

Citation

Barois, tout comme Porphyre allait si bien utiliser les mots, les tordre comme des hameçons que Boris, fasciné et maso comme tous les artistes, viendrait s'accrocher lui-même au bout de la ligne tendue.

Rédacteur: Julien Védrenne samedi 08 avril 2023 partager : | |