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Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (Nouvelle-Zélande) par David Fauquemberg
Pirae : Au vent des îles, septembre 2022
430 p. ; 21 x 13 cm
ISBN 978-2-36734-437-9
Coll. "Littérature"
En surfant sur la vie
Avec la romancière Becky Manawatu, nous allons suivre en parallèle deux histoires, avant de découvrir assez rapidement qu'il s'agit en fait d'une part de l'histoire des parents et de l'autre celle de leurs enfants. L'histoire en elle-même se passe en Nouvelle-Zélande et évoque les rapports difficiles entre les communautés blanches et les autochtones, le déclin et la descente dans la drogue des peuples indigènes. Jade est une jeune femme tranquille mais avec son amie, elles se sont approchées des petits gangsters de l'île. Ceux-ci, souvent violents, ont tendance à être très macho et les relations sont compliquées entre les hommes et les femmes. Devant les malheurs qui arrivent à son amie, Jade s'éloigne un peu et rencontre Toko, un beau jeune homme qui la réconcilie avec l'humanité. De beaux jours se passent. Des années même pendant lesquels naissent Taukiri (qui passe sa vie avec une planche de surf mais monte rarement dessus) et Arama, mais entre les bandits qui la recherchent (et pensent qu'elle a dénoncé certains des leurs) et le décès de Toko, tout s'effiloche. Pour échapper à leur mère, sans doute reprise par la drogue et ceux qui la vendent, Taukiri, à peine majeur, s'enfuit et emmène son frère, très jeune, chez sa tante. Là, il espère que le garçon vivra bien le temps qu'il trouve de quoi gagner sa vie. Mais Taukiri est nonchalant, joue plutôt bien de la guitare et s'initie à l'amour. De son côté, son frère découvre que si sa tante l'aime bien, c'est une femme battue, maltraitée par un oncle violent. Heureusement, lui trouve réconfort auprès d'une jeune voisine, garçon manqué avec qui il peut faire les quatre cents coups dans la forêt, tandis que le père de la jeune fille, veuf et amoureux d'elle sans doute, tente d'aider la tante.
Le récit de Becky Manawatu alterne donc les périples des parents et des enfants, chacun de leurs côtés, pour essayer de "faire avec" le monde, les violences, la pauvreté, les assignations sociales ou raciales. Décrivant avec soin, la vie rurale, les petits boulots, les petits trafics, la misère et ses corolaires, comme le manque d'éducation, la violence comme arme, le mépris ou le paternalisme des descendants des colons, Bones Bay n'est pas que misérabiliste. Le roman s'ouvre sur les espaces, les joies et les moments de bonheur, les petits riens qui font que l'on continue, parce que cela vaut le coup malgré tout. Peuplé de personnages chaleureux, d'acteurs secondaires (de grands-parents ou de voisins), qui apportent leur pierre à l'édifice, y compris dans des rédemptions possibles, Bones Bay est une version des antipodes, des romans à la fois sociaux et noirs, durement ancrés dans la réalité des misères et des petites gens, que ce soit dans les régions rurales américaines, les laissés pour compte français ou les anciennes zones industrielles anglaises. Un roman très bien construit, qui donne à voir que la misère n'est pas forcément plus belle sous le soleil ou près des plages.
Citation
J'ai trouvé une boîte de sparadraps. J'en ai mis un autour de mon pouce, et ça m'a fait du bien. Alors j'en ai mis un aussi sur mon genou. Puis un autre sur mon front, et un autre sur l'autre genou, et j'en ai mis aussi sur ma nuque, sur ma poitrine, j'en ai mis un sur mon nombril, et quand y a plus eu de sparadraps, j'ai arrêté de chercher des endroits où j'avais mal.