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Inédit
Tout public
Traduit du chinois par Gwennaël Gaffric
Paris : Rivages, octobre 2022
444 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-7436-5784-0
Coll. "Imaginaire"
Les révoltés de la décharge
Dans un futur proche s'étend au large de la Chine l'île de Silicium, gigantesque décharge à ciel ouvert où s'entassent les déchets technologiques du monde entier en vue de leur recyclage, de la récupération des quelques grammes de métaux rares qu'ils contiennent. Un enfer de pollution dans lequel s'active une population de déclassés, les déchetiers, qui y triment dans des conditions proches de l'esclavage pour les trois clans qui se partagent ce marché lucratif. Mais l'arrivée d'un investisseur américain voulant révolutionner le traitement des déchets et l'apparition parmi les déchets d'une mystérieuse prothèse aux surprenantes facultés va pousser cette population d'oubliés du système à se réveiller, à réclamer sa part de l'île de silicium.
Si on avait découvert l'écriture de Chen Qiufan il y a quelques mois, cette première rencontre avait tout eu du rendez-vous manqué. Co-auteur (ou plutôt co-propagandiste) avec Lee Kai-Fu du très contestable IA 2042, il se coulait avec peut-être trop d'aisance dans le contrat qui lui avait été fixé, mais impressionnait déjà par la véracité de ses personnages et des lieux évoqués. Bref, un auteur doué au service d'un projet raté. C'est donc avec joie qu'on le retrouve pour son premier roman, où les qualités de son écriture se révèlent pleinement tandis que le propos se fait nettement plus ambitieux. Particulièrement maîtrisé, L'Île de Silicium est pourtant un pari osé et il fallait un sacré métier pour réussir à faire entrer en résonance des thèmes aussi variés que la pollution, l'écologie, l'exploitation des populations, le cyberpunk, la hard science, le mysticisme chinois et les robots géants de l'anime japonaise, ce que Chen Qiufan parvient à faire avec une déconcertante aisance. Héritier du cyberpunk à la William Gibson, il ancre le genre dans un réalisme qui lui manquait souvent, installe la chair (on pense alors aux films de Cronenberg) et les sciences dures dans les rêveries technologiques. Auteur de thriller, il nous entraîne à la suite de XIaomi, la naïve jeune déchetière dont nous ne dévoilerons pas ici le destin, mais dont le parcours évoque celui de certaines des plus marquantes héroïnes de mangas. Analyste critique, il pose un regard acéré sur les évolutions probables du recyclage des déchets dans un marché mondialisé sur une planète en crise. Dense, souvent surprenant, ce premier roman riche en images fortes et en personnages complexes dépassant bien vite le cadre qui leur est octroyé est une formidable surprise et aide à mieux comprendre le statut d'auteur phare de la nouvelle S.-F. chinoise qu'occupe Chen Qiufan.
Citation
Il n'y a plus d'espoir sur cette île. L'air, l'eau, le sol, les gens, tout baigne dans les déchets depuis trop longtemps. Parfois on ne sait même plus distinguer ce qui, dans nos vies, est déchet ou ne l'est pas. Les déchets sont notre gagne-pain, c'est grâce à eux que nous nourrissons nos familles. Et plus nous gagnons de l'argent, plus l'environnement se dégrade.