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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'italien par Anita Rochedy
Paris : Gallmeister, mai 2023
208 p. ; 21 x 15 cm
ISBN 978-2-35178-301-6
Sicile minérale
Nous sommes dans le massif montagneux des Madonies, au nord de la Sicile. À Piano Battaglia, un petit village, hors saison, où il ne reste que quelques habitants. On y trouve Piero, le patron du café, ainsi que ses clients habituels, certains étant chasseurs comme lui et ayant abattu le dernier loup sur le territoire quelques années plus tôt. Piero avait une femme, mais cette dernière, ne supportant plus le village, s'est enfuie avec son amant des années auparavant. En partant, elle a demandé à sa fille Angela de ne surtout rien dire, et Angela est devenue mutique. Depuis quelques semaines, Amir, un berger, s'est aussi installé et s'occupe d'un troupeau. Il a entamé une liaison avec Angela, un amour secret qui pourrait inquiéter le village.
Comme dans un western, des intrus vont venir perturber ce havre de paix, une paix fragile qui repose sur des secrets profondément enfouis. C'est tout d'abord, Tancredi Pisciotta, un écrivain de la ville, qui vient de voir son frère mourir. Il a besoin de repos et de consolation et espère les trouver ici, dans le petit chalet que son frère avait construit et où il venait se ressourcer. Une occasion pour lui d'exorciser ses propres démons et de réfléchir devant des splendides paysages. Autres intrus : quatre jeunes de la ville, qui forment un groupuscule. Ils ont tous les quatre le crâne bien rasé, des idées bien arrêtées et le sentiment que leur nouvelle formation, les loups de Madonie, pourrait inverser les tendances du monde moderne, entre autres avec ce grand remplacement qui s'annonce. Les quatre skinheads vont d'ailleurs faire leur première réunion dans l'hôtel de la montagne. Mais quand Tancredi Pisciutti se promène dans la montagne et tombe sur Amir gravement blessé qui lui murmure : "Loup", que faut-il en déduire ?
Le Dernier loup est un roman noir qui prend son temps, qui joue sur les variations du temps, des humeurs, des perceptions, dans la "tradition" des romans de chez Gallmeister. Sauf qu'ici le nature writing se conjugue en mode sicilien. Roman court et dense, où chaque mot est pesé et chaque phrase cache un secret, une incompréhension, le récit trouve une conclusion logique et forte en quelques pages. Pour le reste, c'est vraiment un livre contemplatif, fort, âpre, avec des personnages taiseux qui vivent en contact avec leur nature de manière splendide et isolée. En lisant, on sent le vent froid qui passe, les bruits des animaux, la montagne qui craquelle, l'humanité des personnages qui suinte, dans leurs vitalités et leurs contradictions, dans une intrigue qui laisse le temps au temps, qui laisse passer les actions rapidement. Troisième roman de Corrado Fortuna, on ne peut que souhaiter que Gallmeister remonte le temps.
Citation
Le même silence plombant planait dans la grande salle de l'auberge. Abele s'était effondré sur une chaise, les tempes dégoulinantes, son pull qui le serrait au cou empestait la transpiration et la peur. Piero retrouvait son calme à mesure qu'il racontait, il ne pleurait plus : cela faisait quarante ans qu'il attendait ce moment.