Contenu
Poche
Réédition
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Mélissa Manchette
Paris : Points, février 2010
300 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-7578-1715-5
Coll. "Policier", 2333
Même l'inverse du mensonge est un mensonge
Stone est le descendant d'une famille de d'émigrés russes. Il s'est installé aux États-Unis et est chargé d'une agence spéciale qui surveille les Soviétiques. Il conseille les militaires américains sur les techniques de manipulation. Depuis de années, son agence collectionne les informations pour pouvoir envoyer à n'importe quel moment un agent en Union soviétique et enquêter. Pour l'instant, son jouet fonctionne sur le papier mais il n'a jamais pu le tester.
Koulakov est un officier des services soviétiques. Il n'a aucune compétence d'espionnage, il est juste un convoyeur de valises diplomatiques. Mais il a de nombreux problèmes : son père, considéré comme un héros de l'Union Soviétique, est un déserteur qui a été fusillé pour l'exemple, ses enfants sont embarqués dans de sombres histoires et sa femme est partie avec un commandant de chars... Résultat, il risque beaucoup à rester dans le pays. Quand on lui offre une dernière mission, Koulakov décide donc de profiter de ce passage à l'Ouest pour s'enfuir. Il se retrouve face à Stone qui est chargé de vérifier sa sincérité. Stone qui veut aussi tester son jouet aimerait également partir à Moscou.
Ce roman, qui a déjà une trentaine d'années, constituait avec ceux de John Le Carré les débuts de cet ère du doute, initiée bien des années plus tôt par Eric Ambler. Les choses et les êtres ne sont jamais ce qu'ils paraissent être, ne sont pas non plus l'inverse de ce qu'ils devraient être. Le grand mensonge est plus proche de la vérité. Robert Littell ajoute encore une touche supplémentaire car même lorsqu'on cherche la vérité, et qu'on la découvre, il est préférable de mentir pour couvrir ses arrières, pour continuer à bénéficier d'avantages que l'éclosion de la vérité ferait perdre. Ces jeux continuels d'ombre et de lumière où les personnages ne sont finalement que des fantoches plus ou moins bien dressés constituent la trame sur laquelle des êtres de chaire et de sang essayent de survivre, d'aimer.
Roman d'espionnage où l'action pure est absente mais où les conversations servent de mise au point, au sens photographique, sur le suspense, Le Transfuge garde sa force même si les jeunes lecteurs doivent avoir l'impression d'entrer dans la Préhistoire avec ce KGB omnipotent, les accords SALT et ce Grand Jeu qui a laissé place aux cohortes d'islamistes fanatisés. S'il n'a pas la grandeur et la force de certains de ses textes ultérieurs, le roman de Robert Littell reste un pur moment de littérature d'espionnage, avec un retournement final efficace, inattendu et imparable. La grande classe.
Citation
[cet interrogatoire] est déjà commencé. Il sera terminé quand nous en saurons sur vous plus que Dieu lui-même.