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Le Passager du Polarlys
Grand format
Inédit
Tout public
Paris : Dargaud, mai 2023
74 p. ; illustrations en couleur ; 29 x 23 cm
ISBN 978-2-505-11223-5
Coll. "Simenon et les romans durs"
Traversée en eaux cruelles
Adaptation assez fidèle et linéaire du roman Le Passager du Polarlys (1932) de Georges Simenon, la bande dessinée de José-Louis Boquet (scénario) et Christian Cailleaux (dessin) est surtout un petit bijou de noirceur tout en couleurs. Extrêmement graphique, avec un rendu pastel qui sied à la mélancolie du voyage, l'histoire nous embarque à bord d'un navire qui fait la liaison entre le port de Hambourg et la Norvège, ravitaillant les ports côtiers et récupérant certaines cargaisons. Adaptation assez fidèle car l'un des points forts et ingénieux de la bande dessinée est d'apporter une certaine linéarité et d'expliciter la mort de la jeune Marie Baron, vendeuse dans un magasin de Clichy, d'une overdose en introduction. Là où Georges Simenon est moins prolixe avec des inspecteurs de la Sûreté qui tirent des conclusions, les deux auteurs nous font découvrir ce qui est arrivé un triste soir de 1930 dans le quartier de Montparnasse et qui a conduit à la mort accidentelle de la jeune femme. Puis on embarque quelques semaines plus tard à Hambourg, à bord du Polarlys, avec un commandant qui se demande dès le début si le navire n'a pas le mauvais œil, et qui cherche une série d'avaries qu'il ne tarde pas à débusquer. Surtout, il accueille à son bord un troisième officier fraichement sorti de son école, Vriens. Viennent ensuite des passagers, Ericksen, Evjen, Schuttringen et Katia Storm. Et puis Krull, un nouveau soutier, le précédent souffrant de malaria. Pour un commandant bougon, austère mais professionnel, c'est beaucoup à la foi(s). Aussi quand, après le départ, un des passagers manque à l'appel, qu'un officier de police arrive en navette et réclame l'anonymat tout en niant enquêter, la situation devient pénible. D'autant plus que le nouvel arrivant ne tarde pas à être retrouvé assassiné dans sa cabine, laissant plus tard la place à un autre policier. Alors que les éléments se déchainent, que la tension augmente, que les passions s'exacerbent et que des vols d'argent se multiplient, l'énigme devient à la fois plus trouble et plus évidente. À la fois ouvrage de mœurs, d'énigme, maritime et d'émancipation, Le Passager du Polarlys joue sur une ambiance calfeutrée en huis-clos dans des paysages majestueux qui oscillent entre mer déchainée et fjords gris-blanc pour tisser une toile intrigante. On s'aperçoit rapidement que le roman de Simenon est cruellement visuel. José-Louis Bocquet et Christian Cailleaux réussissent à donner corps à cet univers magistral où le soin du détail est primordial, alternant les pages sombres, blanches et colorées, n'hésitant pas à nous offrir quelques panoramiques majestueux pour nous embarquer dans une traversée à la fois ordinaire et extraordinaire où la mer change les destins des hommes. Surtout, ils nous font la brillante démonstration qu'ils ont bien digéré l'un des premiers romans durs du Maître belge. Une bien belle manière d'inaugurer une nouvelle collection de l'adaptation d'œuvres de Simenon chez Dargaud.
Illustration intérieure
Citation
Il n'y a rien d'inouï ! Ou plutôt ça l'est pour des gens comme vous, avec une femme, des gosses, sans vice apparent... Donnez-moi quelques mois de votre vie et je vous fais lécher la soute pour une pincée de drogue...