Inspecteur Balto

Bande dessinée - Policier

Inspecteur Balto

Les choix d'un flic retraité

Balto est un vieux flic de Saint-Étienne qui, comme les éléphants, l'âge avançant, sentant le vent tourner, n'a pas d'autre choix que de prendre sa retraite. Balto est un célibataire endurci, dans un vieil appartement avec balcon et chat. Mais Balto n'en peut plus de ne plus être sur le terrain. Il a gardé sa vieille carte de flic et ses menottes qu'il trimballe, et son holster sous l'aisselle. Mais il a troqué le flingue qui s'y trouvait contre un paquet de cigarettes qui puent. Et il s'est fait enquêteur avec un bar comme bureau dans lequel il prend un Picon bière à chaque affaire résolue. Quand deux putes, enfin deux escorts, enfin deux camgirls viennent le voir pour signaler la disparition d'Ulla Satan, leur copine de chambrée, il prend l'affaire en main même s'il peut se montrer con comme un flic. À sa décharge, c'est un flic à l'ancienne. Un vieux déconnecté qui doit aller voir la fille de sa voisine, lycéenne hackeuse, pour lui permettre de regarder défiler sur un ordinateur des images interdites aux moins de dix-huit ans. Mais Balto est scrupuleux. Balto est besogneux. Balto est partout. Aussi, outre cette enquête de disparition, va-t-il se mettre presque malgré lui sur celle d'enlèvements d'animaux de compagnie. À mesure qu'il enquête, qu'il croise de vieilles connaissances, ses pensées l'emmènent également sur son passé, et sa rencontre avec Marie, sa voisine de balcon de l'époque, une couturière qui deviendra sa femme, et qu'il retrouve certains jours au parloir de la prison.

À partir de ce scénario très classique, quasiment Louis la Brocante (en vraiment plus réussi), qui n'hésite pas à être tendre et malicieux (Lagarde et Michard), d'Aurélien Ducoudray, Damien Geffroy nous propose un univers rond, avec des personnages aux tronches sympathiques, qui viennent à la rencontre d'une enquête linéaire et ordinaire, s'arrêtant sur la vie d'une cité nostalgique le tout en une ligne à l'héritage clair. Et ce n'est pas la coloriste Mathilde d'Alençon qui va y mettre du noir. Ses couleurs sont lumineuses, nous écartant de l'univers grisâtre urbain. Elle se permet de jolies libertés avec les différentes chambres des camgirls. Et la lumière qu'elle impose tranche un peu avec l'aspect mélancolique triste des deux intrigues (le passé de Balto, la vie cachée d'Ulla Satan). Au cœur de la bande dessinée, la nécessité de faire des choix et de les assumer, même s'ils peuvent s'avérer cornéliens. Mais il y a également ce lien humain omniprésent chez Balto et les autres symbolisé par Brenda (à découvrir absolument). Une bande dessinée qui à partir de deux faits tristes réussit le joli pari de ne pas nous enfoncer dans la morosité, et qui offre une fin ouverte au retour de cet enquêteur ordinaire et paradoxalement hors normes.

Citation

Les suspects, ça peut tout faire... C'est même à cause de ça qu'on les suspecte.

Rédacteur: Julien Védrenne vendredi 23 juin 2023 partager : | |