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Dans la tête de l'homme
Le narrateur va parler durant tout le texte romanesque qui constitue l'intrigue de Carine Marret. Ce narrateur est un homme qui veut tout contrôler, a toujours besoin d'être mis en valeur et ne supporte pas la contradiction. Il a eu une idée intéressante au début d'Internet. Démarquer les librairies d'occasion afin de créer un système qui permettrait aux dites libraires de trouver de nouveaux clients plus facilement. Mais on est vite dépassé par sa propre invention et, avec les progrès du net, un grand nombre de librairies ont trouvé de nouveaux concurrents moins chers ou se sont lancées toutes seules sur les réseaux. Résultat, l'entreprise est en perte de vitesse. En même temps, Pierre et Pauline, ses deux enfants ont grandi et n'ont plus forcément une grande empathie envers leur père. Ce dernier a eu des maîtresses et a même préféré partir en week-end avec l'une d'entre elles plutôt que profiter d'un séjour de réconciliation avec sa femme Clémence, à un instant où son couple battait de l'aile. Devant cette avalanche de mauvaises nouvelles (pour lui), le narrateur va décider (et dès les premières pages du texte) de tuer toute sa famille, puis d'enterrer les membres après avoir construit des fausses pistes qui feront croire que toute la fratrie serait partie au Canada pour se relancer.
À lire ce résumé, la plupart des lecteurs auront sans doute compris à quel événement (ou fait divers) ce roman fait référence. Toujours est-il qu'en décidant de centrer son récit autour du personnage survivant, de l'assassin sans doute des autres, Carine Marret risquait de glisser facilement dans la facilité, le voyeurisme ou le mauvais goût. Or, tous ces écueils sont évités et l'on a l'impression d'être dans la tête de l'auteure. Le meurtre est évoqué de manière succincte, l'essentiel du texte se tournant vers la façon dont le personnage se construit et construit son auto-défense. Rien ne lui arrive vraiment de sa faute, même s'il reconnait son manque de perfection, mais semble plutôt extérieur à toute sympathie pour le monde. Autant il est capable d'auto-apitoiement, autant il ne voit dans les autres que des objets. Cette façon de voir le monde est racontée par petites touches, sans pathos, comme naturelle, comme si l'auteure avait parfaitement réussi à se mettre dans la tête de l'assassin. De ce point de vue, Ils dorment est une réussite qui nous présente de façon exemplaire une histoire réelle, vue à travers le prisme d'une fiction qui reconstitue une possibilité crédible et réaliste de ce qui aurait pu se passer.
Citation
Le silence qui m'effrayait petit à la campagne, le silence des non-dits, le silence de la peur qui dévore, de la mort qui rôde. Le silence précédant le crime, le silence lui succédant. Le silence contenant tout un monde, la terre avant ses premiers frémissements, les voix qui se sont tues, la minute après le dernier soupir. Le silence ne m'effraie plus.