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Comme si nous étions des fantômes
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais par Élodie Leplat
Paris : Sonatine, septembre 2023
504 p. ; 20 x 14 cm
ISBN 978-2-38399-100-7
De longs mois de fiançailles
Le titre anglais originel de ce roman de Philip Gray fait référence à un lieu, un lieu qui a vu un massacre complexe durant la Première Guerre mondiale. C'est peut-être ici qu'a fini ses jours un certain Edward Haslam. Avant-guerre, Haslam était un directeur de chorale, un pacifiste, mais pour complaire à la future famille d'Amy, sa femme, qui déjà voyait d'un mauvais œil ce parvenu être aimé par leur fille, il s'est engagé dans l'armée. Mal lui en a pris car il a disparu lors de rudes combats en France, à un moment où toute sa compagnie a été décimée - ce qui a laissé peu de traces sur l'endroit exact où il se trouvait. Mais Amy a des doutes. Elle veut voir le lieu où il a disparu. Peut-être existe-t-il quelque part une tombe, même provisoire, ou quelqu'un qui aurait survécu et saurait quelque chose. La voici donc en 1919, au mépris du danger - les champs de bataille sont en train d'être inspecté par des sapeurs militaires pour les déminer et récupérer les morts qui y seraient encore -, et la vie pourrait être rude pour des femmes. Surtout Amy a la sensation que son fiancé n'est pas mort. Mais à peine arrivée qu'elle comprend qu'il y a un problème. Un officier, un certain Rhodes, qui commandait des troupes n'avait pas la réputation d'un tendre. Et dans une tranchée, on retrouve les corps de treize soldats dont la mort ne peut être imputée aux combats...
Comme si nous étions des fantômes est un roman particulier qui prend son temps. Nous allons suivre sur presque cinq cents pages l'héroïne à la recherche de l'homme qu'elle aime sur les champs de bataille (à l'exception de chapitres qui reviennent sur ce qui s'est passé avant la guerre). Ballottée de droite à gauche, obtenant des informations plus que fragmentaires, voire contradictoires, Amy s'installe dans un décor bouleversé. Le récit de Philip Gray permet de décrire la Grande guerre avec ses désastres et ses horreurs : tranchées, techniques de survie, folies des hommes, racisme, utilisation des alcools et de la drogue pour motiver les troupes... C'est cet aspect documentaire qui emporte la conviction plus que l'enquête policière ou noire dont on perçoit des bribes tout au long du texte sans que cela ne soit particulièrement mis en avant. Mais Comme si nous étions des fantômes reste un bon roman pour découvrir à travers une intrigue romanesque plus légère un pan de notre histoire.
Citation
C'était un pistolet lance-fusée, à un kilomètre à peu près. Personne n'avait oublié ce bruit : le coup percussif, le grésillement pareil à de la friture. Le capitaine Mackenzie se leva et souleva le rabat de la tente. Une fusée éclairante blanche s'élevait dans le ciel, entourée d'un halo de pluie. Sur le sol bosselé béaient des ombres noires.