Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
510 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-7436-6047-5
Coll. "Littérature francophone"
Humain, trop humain
Juliette, Manon, Chloé et Thaïs sont toutes quatre des amies d'enfance, certaines ont même des liens de parenté. Elles vivent dans les milieux parisiens huppés, parfois liées au monde de l'édition. Mais elles veulent fêter leurs premières vacances de filles sans parents et elles obtiennent l'autorisation d'aller en Afrique du Sud, dans une maison louée par une Hollandaise raciste et fière de son passé. De loin en loin, un certain Albert, banquier français expatrié sur place, leur servira de mentor. À peine arrivées, les filles décident de se balader. C'est alors que Manon prend en photo des gens, dont une vieille dame noire qui lui crie dessus. Les filles partent mais quelques heures plus tard elles sont rattrapées par deux noirs qui tentent de les violer. Si elles parviennent à s'enfuir, les deux hommes se sauvent avec leur voiture et leurs papiers. Elles joignent alors Albert qui les rapatrie en ville. Mais c'est aussi le glas du périple car leurs familles respectives, inquiètes, programment leur rapatriement. La nuit suivante, la dernière de leurs vacances, Manon est enlevée dans sa chambre. On retrouvera son corps violé et brûlé dans une maison en ruines. Différentes pistes sont possibles : les voleurs qui avaient leur adresse, des gangs liés au chauffeur de taxi qui les avait amenés dans leur maison, Albert qui a été inculpé de pédophilie mais s'en est sorti grâce à son argent et ses relations. De son côté, le policier noir chargé de l'enquête est en train de vivre un divorce éprouvant et il n'est pas d'une humeur très facile...
Après trois romans qui oscillaient entre les différents genres de l'imaginaire, variant du polar au fantastique en passant par la S.-F. et le gore, Jérémy Fel nous propose une intrigue que l'on pourrait à tort plus assagie. La construction romanesque reste la même : différents personnages, dont le nom en tête de chapitre indique qui va parler, racontent une histoire qui se suit, sinue, revient parfois en arrière, mais présente à chaque fois un éclairage nouveau sur les éléments racontés et sur l'intrigue. Mais là où l'auteur invoquait des puissances ténébreuses, des monstres hantant le monde et s'incarnant dans les personnages, nous avons ici affaire à un Mal encore plus insidieux, car profondément humain. Vivant dans leurs propres certitudes, la plupart des personnages poursuivent leurs propres buts, au détriment des autres, n'hésitant pas à en abuser, à les faire plier à leurs volontés, usant de leur pouvoir sexuel, financier, politique ou policier pour aboutir à la fin qu'ils souhaitent. La construction intelligente, qui fait penser aux meilleurs moments d'un David Lynch (entre autres, une scène où les jeunes filles se croient sauvées et l'une d'elles découvre que le vieux monsieur qui les a aidées cache dans sa remise un très lourd secret), est toujours menée de main de maître. L'épure de l'intrigue (en se concentrant sur le noir des hommes, sans mettre en scène des monstres lovecraftiens ou des nazis, mais autour du monde de l'édition, de l'élite parisienne de la culture) conserve toute sa force venimeuse, pour un écrivain qui a créé un univers impressionnant et une œuvre singulière en quelques années.
Citation
Quand j'étais gamine, ce vide me fascinait et m'horrifiait à la fois. Je me demandais dans quel état finirait mon corps si je chutais, je m'amusais à y jeter des figurines ou des poupées et à compter le temps qu'il leur fallait pour s'écraser en bas. Une fois, j'ai même failli assommer la femme de ménage.