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Un très honnête bandit
Grand format
Inédit
Tout public
Tristes Maquis
L'action se déroule en 1882 en Corse du côté de Porto-Vecchio. Les familles Rocchini et Tafani se vouent une haine terrible depuis des années. Pour quelle raison ? Eux-mêmes ne le savent plus. Mais est-ce bien nécessaire de le savoir pour continuer la vendetta ? Cependant, cette vendetta est quasiment au point mort. C'est alors que l'on découvre le chien des Tafani mort. C'est un signe indiquant selon eux que les Rocchini ont relancé la guerre. Le 11 octobre de cette même année, les Tafani assassinent Jean-François Rocchini, soupçonné d'avoir tué leur chien. Sa veuve refuse de donner à ses deux fils l'autorisation poursuivre la vendetta. Mais un an plus tard, le hasard va pousser Xavier Rocchini, l'un des fils, à se venger puis à se réfugier dans le Maquis, bientôt rejoint par son frère. La suite va le voir commettre d'autres crimes car il va croiser des bandits, des desperados corses qui errent dans les bois. Suite à des coups tordus, Xavier Rochini va être surnommé la "Bête" ("Animai") après avoir tué sa cousine, dont il était amoureux mais qui se refusait à lui. Et ce meurtre mal vu par toute la communauté corse va lui coûter cher.
Dans la postface, Antoine Albertini signale son rapport avec Philippe Jaenada. C'est ici logique car, comme le fait habituellement son ami, il se sert d'un fait divers pour proposer une vision de la société et des rapports sociaux. Là où Philippe Jaenada s'implique personnellement, fait souvent preuve d'ironie, Antoine Albertini, reste, mais ce n'est pas plus mal, en surplomb. Il utilise cette histoire pour nous présenter une Corse qui semble folklorique, celle des bandits d'honneur, des vendettas, de la prise du Maquis, des liens complexes entre ces hors-la-loi et les milieux capitalistes ou politiques de l'île. Face à Xavier Rochini dont la trajectoire jusqu'à la mort est dépeinte avec soin, avec des références à Guy de Maupassant ou Prosper Mérimée qui ont tous deux écrit sur la Corse de l'époque, avec notamment un final où condamné à mort, Xavier Rochini attend son jugement devant un Deibler qui a peur de venir sur l'île tant il risque gros. Les liaisons incestueuses entre les notables et ces bandits dont ils se servent pour faciliter leur carrière, la vie de ces bandits entre fastes des villes et parfois vies frugales dans les forêts, en bande armée que tous craignent, même si on ne parle pas à la police et la gendarmerie, tous ces éléments sont décrits avec soin et reconstituent une époque et une région que l'on saisit mal habituellement. À côté de ce récit noir, l'auteur restitue des scènes fictionnées au milieu de moments plus documentaires et le lecteur passe de l'un à l'autre de manière glissante, sans s'en rendre compte, grâce au talent d'écriture d'Antoine Albertini, qui parvient à reconstruire un décor, un monde, des mentalités, aussi exotiques que celles de peuplades lointaines, dans un style classique, vivant et dynamique.
Citation
On n'avait soupé que de vin, deux bouteilles déjà, tirées de la cave par la mère silencieuse, qui avait refusé d'aller en chercher une troisième et ne pouvait quitter des yeux les fusils posés crosse contre terre, leurs canons appuyés aux murs de pierre qui sentaient le saloir à jambon et le souvenir du feu.