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Grand format
Inédit
Tout public
224 p. ; 20 x 15 cm
ISBN 978-2-36533-126-5
Coll. "Fictions"
Regarder autrement
À Montréal, aux abords de l'hôpital Royal Victoria, se trouve un petit bois. Est-ce un lieu de repos pour les patients en convalescence ? Toujours est-il que c'est dans ce bois que Clément, à l'été 2001, vient de découvrir un squelette, le squelette d'une femme. Le corps est sans doute là depuis quelques années et il n'y a aucun moyen de l'identifier. Dans l'attente de son identification, le corps est baptisé "Madame Victoria". Des annonces sont passées. On enquête sur les malades qui auraient fui l'hôpital et n'auraient plus donné signe de vie mais tout ça ne donne absolument rien. Catherine Leroux évoque alors dans une suite de chapitres successifs différents portraits de femmes (y compris une venue du futur) qui montrent des parcours, le plus souvent abimés par la vie ou par une société violente, chacun de ces portraits se terminant justement par la personne arrivant en danger du côté des bosquets de l'hôpital.
Il est assez difficile de résumer ce roman qui n'est pas, vous l'aurez saisi, un polar stricto sensu. Même s'il s'ouvre sur une "scène de crime", la question qui va vite se poser est de savoir si nous ne sommes pas tous potentiellement des assassins - au détriment de la première qui pourrait se résumer à savoir si ce crime est l'œuvre d'un assassin. Récit féministe qui raconte de l'intérieur les violences faites aux femmes, quelles que soient la condition, la race ou l'origine, Madame Victoria décrit, sans concession, mais sans manichéisme ni pathos des situations du quotidien qui font que le monde n'est pas fait pour accueillir sereinement l'ensemble de l'humanité. Pour éviter une suite de vignettes qui feraient misérabilistes, l'auteure reprend parfois le fil d'une enquête forcément vaine car qui se soucie réellement des invisibles ? Des personnages secondaires, dont un mystérieux Eon, changent par instants la perspective, créent un effet de miroir, de retour au réel, décalent l'intrigue. L'ensemble est sur une distance courte, impressionnant de maîtrise narrative, forçant le lecteur à rester attentif, à ce qui n'est pas mû par une enquête forte mais par des destins à la fois exceptionnels et récurrents, comme pour replacer l'humain au cœur de notre vision. Pour les amateurs puristes de littérature policière, nous sommes là cependant dans le genre, mais dans une écriture qui raconterait le point de vue des victimes et non pas celui de l'assassin ou du policier. Une belle découverte !
Citation
Elle serre sa robe de chambre autour de ses côtes comme pour réchauffer le paysage, pour se conforter dans le sentiment d'être à l'abri de tout. Dehors est dehors. Dedans est un nid, un nœud, l'axe de la terre.