Contenu
Poche
Inédit
Tout public
Il gèle en nos cœurs
Il y a quelques décennies déjà, Jean-Paul Sartre signait L'Enfance d'un chef, un ouvrage dans lequel il montrait comment l'éducation d'un petit bourgeois le conduisait à ces prise de position politique une fois adulte. Étude psychologique centrée sur une personnage. François-Xavier Josset n'a peut-être pas lu ce texte mais il s'inscrit dans cette veine qui va s'appuyer sur la description dense et tendue d'une personne et la façon dont peu à peu elle se modèle. Tout est raconté à la première personne par un narrateur, jeune, englué dans sa province, dans un confort mou d'amitiés et une déception sentimentale. Il veut rompre avec cette mollesse et "monte" sur Paris : petit boulot, petit appartement, petite vie sentimentale. Tout se déglingue lentement mais sûrement, et l'auteur restitue avec finesse cette lente descente, qui n'en est pas vraiment une, mais qui ressemble à une plongée dans la neurasthénie, à un étouffement par un boa constrictor ou une noyade sans agitation excessive. L'atmosphère glacée de la Capitale, le monde actuel de plus en plus froid et impersonnel, sont rendus avec force, dans un style où alterne description minutieuse de la réalité, aphorismes d'un personnage qui sait se recentrer sur ses propres soucis. Quelques échappées vers un monde plus rose (mais peut-être aussi factice) où les seules échappatoires au monde pourraient se résumer à la devise vichyste : travail (ici, une description noire d'un bureau où tout le monde travaille mais sans que l'on comprenne ce qu'ils font et où il n'est même pas sûr qu'eux le sachent) et famille (mais comment approcher les filles reste un sujet sensible pour le personnage). Quant à la Patrie comment y croire alors que l'ultime figure du héros romantique pourrait être celle du kamikaze qui se détruit au nom d'un idéal ? Court roman de deux cents pages sec, nerveux, raclé à l'os, Un hiver à Paris montre combien le froid et le vent glacial ont envahi nos villes, notre civilisation, notre société et nos cœurs individuels pour nous transformer en ombres, en fantômes errants dans des quartiers trop beaux pour nous, dans un confort trop grand pour l'homme, dans un conformisme stérile et isolant, suite de faux semblants qui ne peut que s'achever dans la noirceur.
Citation
Alors je marche lentement au milieu de ces gens, espérant vainement que l'un d'eux remarque ma suspecte flânerie et m'adresse la parole en premier.