Contenu
Amour, meurtre et pandémie
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (Chine) par Françoise Bouillot
Paris : Liana Levi, mai 2023
222 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 979-10-349-0787-8
Coll. "Policier"
Inspecteur flâneur
L'inspecteur, fin lettré et poète Chen Cao n'est plus en odeur de sainteté auprès du gouvernement chinois. Il a été mis au placard et survit grâce à la fidélité empreinte de sentiments de Jin, sa secrétaire. En cette période de pandémie, où les caméras et les comités de quartier rivalisent pour épier et tracer les déplacements des gens, on fait soudain appel à lui. Trois membres du personnel d'un hôpital de Shanghai (un chef de la propagande, une infirmière et un chirurgien) ont été assassinés alors qu'ils quittaient leur travail. La police croit en la thèse d'un tueur en série. Elle veut donc une enquête d'autant plus rapide et efficace que le personnel soignant est débordé et que la grogne monte dans la population quant à la politique zéro Covid du gouvernement. Mais Chen Cao veut prendre le temps de comprendre et d'observer, et il semble pouvoir compter sur le soutien de Hou, un officiel, membre de l'élite, qui lui apporte toute l'aide nécessaire (mais qui potentiellement aussi l'espionne). Surtout, nombre de personnes reviennent traîner dans son giron. Des personnes qui sont contentes de l'aider à mener ses opérations en marge de la légalité chinoise. Car parallèlement à cette enquête, Chen Cao est traducteur, et il entend rendre audible le témoignage d'habitants de Wuhan révoltés contre le traitement que le gouvernement chinois leur a infligé. C'est ainsi que Molong, l'informaticien-pirate, aide à maintenir l'espace de quelques jours des articles d'un blog en ligne malgré la police de la censure tenu par un habitant de Wuhan. Plus que jamais, l'inspecteur Chen Cao marche sur des œufs...
Ce nouveau roman de Qiu Xiaolong, malgré son titre qui pourrait faussement nous orienter vers du cosy crime alors qu'il est très sombre, donne la part belle à la nostalgie et à la mélancolie. Le récit est l'occasion d'évoquer la cité de la Poussière Rouge, un quartier en déshérence où les discussions nocturnes ont été bâillonnées, d'aller dans des échoppes découvrir des mets qui semblent délicieux, de plonger comme toujours dans une civilisation séculaire confrontée au capitalisme, de revenir sur le passé étudiant de Chen Cao, quand il allait flâner dans les librairies. L'enquête est lancinante, quasiment absente, et se résoudra très vite quand l'appareil se mettra en branle avec un motif ingénieux révélé de manière sociale et sociétale. Mais Qiu Xiaolong s'échine également à montrer que la réussite de la politique zéro Covid est un mythe. Surtout, il aborde ce thème bancal par excellence avec un angle intéressant et critique. Il dépeint une population accablée, des drames à l'entrée d'hôpitaux où on ne traite pas des patients au prétexte qu'ils n'ont pas de tests négatifs de moins de vingt-quatre heures. Dans ce roman émotif, l'auteur fait montre de compassion révoltée et dévoile encore plus de failles chez son inspecteur, qui n'en devient que plus crépusculaire. Et l'on quitte comme toujours ses romans à regret.
Citation
Les trois meurtres ont été commis peu après minuit. Ce n'est un secret pour personne que le personnel hospitalier travaille tard en période de pandémie. Quant à l'arme utilisée, c'est un objet contondant, peut-être un marteau, assez lourd.