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C'est en hiver que les jours rallongent
Grand format
Réédition
Tout public
348 p. ; 20 x 12 cm
ISBN 978-2-38553-021-1
Souvenirs de la maison des morts
Avant Joseph Bialot, l'auteur du Salon du prêt-à-saigner, de Babel-Ville ou de La Nuit du souvenir qui ont fait les beaux jours de la "Série Noire" depuis les années 1970, il y avait Joseph Bialobroda, juif et résistant, arrêté et déporté au camp d'Auschwitz en 1944 sous une fausse identité qui lui sauvera probablement la vie. Il y survivra quelques mois, dans un camp alors pleinement voué à l'extermination de populations entières, jusqu'à la libération du camp, en janvier 1945, par les troupes soviétiques. Sorti de l'enfer, Bialot mettra comme il le dit lui-même, vingt-cinq ans pour parvenir à sortir, psychologiquement, d'Auschwitz, et il faudra encore autant de temps pour réussir à raconter son expérience du camp avec C'est en hiver que les jours rallongent, paru initialement en 2002. Récit kaléidoscopique, mosaïque d'instants, son témoignage saute le temps et les époques, revient en arrière, éclaire d'un fait ou d'une "anecdote" une réminiscence de ces mois passés dans l'usine exterminatrice, passe de son rapatriement à son arrestation pour rebondir sur son arrivée au camp, par l'extermination, en quelques jours, de toute la population du ghetto de Lodz, ou son passage par Cracovie libérée. Et au centre de tout cela, comme un trou noir aspirant toute lumière et tout récit : Auschwitz ; ses baraquements, ses kapos, ses chambres à gaz. Dans une succession d'images terribles, inconcevables, Joseph Bialot nous fait ressentir de l'intérieur, le froid, la famine, la peur, la souffrance, l'arbitraire de cette mécanique de mort. Pas d'analyse ici, pas de recul historique, Bialot se souvient, raconte, ressuscite ces hommes privés de tout, de leur humanité même, sans cesse aux portes de la mort, à la merci de leurs tortionnaires, ces compagnons de souffrance, émaciés, qui passent, puis disparaissent, meurent sans doute, et qu'il ne reverra jamais plus. Dans la droite ligne de Primo Levi ou Jorge Semprun, Joseph Bialot écrit "pour ceux qui ne sont pas revenus", mais plus viscérale, son écriture, en décrivant les corvées, les brimades quotidiennes, la maladie, plonge au cœur du Mal mais n'y trouve aucune lumière, pas de rédemption, pas de Dieu (bien que de confession juive, il était profondément laïque), rien qu'une forme de survie qu'il faudra bien finir par accepter. Profondément marquant, traversé de bout à bout (car Joseph Bialot reste un styliste de talent) de fulgurances littéraires, C'est en hiver que les jours rallongent devrait constituer une lecture obligatoire pour éviter que ne réapparaissent, un peu partout, les indignes émules des artisans de la Shoah.
Citation
Je participe en solitaire à un jeu absurde dont personne ne possède les règles car chaque SS détient le droit d'improviser selon son humeur, et la sanction du jeu pour moi, gagnant ou perdant, c'est la mort.