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Grand format
Inédit
Tout public
Paris : Rue de Sèvres, septembre 2023
84 p. ; illustrations en couleur ; 32 x 24 cm
ISBN 978-2-8102-0601-8
Drames en montagne
Dominique Monféry, animateur, storyboarder et réalisateur, a fait le pari d'adapter le roman d'Henri Troyat, La Neige en deuil (1952), pour sa première bande dessinée. Pari relevé haut la main, et pourtant traîtreusement, et qui nous plonge dans les années 1950 sur des versants montagneux. On y découvre Isaïe, un homme renfermé, qui part chercher ses brebis pendant qu'un avion qui fait la liaison entre l'Inde et l'Angleterre s'écrase. Une cordée menée par un certain Servoz, qui ne reviendra pas vivant, part malgré le temps, la neige, le glacier, retrouver des survivants. En vain. Dans le même temps, Marcellin, le très jeune frère d'Isaïe, revient à la maison familiale des rêves de ville plein la vue. Marcellin qui traîne une réputation de fainéant et qui veut vendre la maison à un riche industriel pour avoir de quoi s'associer avec un ami à la ville. Mais Isaïe, qui vit dans le passé, connait bien des secrets et peut paraître parfois benêt, ne veut pas en entendre parler. Éclopé, il a été un ancien guide chevronné de haute montagne avant un accident qui lui a laissé bien des démons. Mais Marcellin, qui veut que la roue tourne, réussit à le convaincre de partir en randonnée vers l'endroit où l'avion s'est écrasé. Et c'est dans ce milieu indomptable, où la foi n'aide pas forcément à se déplacer dans la montagne, que les deux frères s'enfoncent. Magnifiquement découpée, revenant sur le passé d'Isaïe et ses tourments, avant de retourner dans des éléments naturels dantesques, la bande dessinée de Dominique Monféry est un petit bijou de simplicité qui déploie des personnages simples mus par des idées antagonistes et qui vont finir par s'affronter à distance. Surtout, l'auteur de bande dessinée plonge dans le cerveau d'Isaïe, un homme, un frère (?), qui vit dans ses almanachs et qui remue inlassablement le passé tout en s'émerveillant d'un agneau qui est né. Un homme qui aime que la vie ne bouge pas. Qui ne supporte pas que l'on vienne perturber son équilibre. Et c'est tout le propos de cette histoire intimiste que de nous faire parvenir à ce point de rupture entre deux "frères" inséparables. Point de rupture qui amènera la folie pour l'un, la mort pour l'autre. Assez épuré, le scénario s'appuie sur des rendus extérieurs magnifiques. Sur un trait artistique qui sait trancher selon que l'on se trouve dans des grands espaces ou dans l'intimité de la masure, selon que l'on est dans le présent ou dans la tête d'Isaïe. Une histoire mélancolique qui s'appuie sur de "vrais" gens. Une histoire à la Henri Troyat. Belle et tragique.
Illustration intérieure
Citation
Un mort n'a plus de défense. On n'a le droit de le toucher que pour le laver et le porter en terre ! Voilà comment je pense.