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Le retour de l'Éternel
Voerlandt est un Alsacien incorporé dans la SS qui va avoir un parcours de combattant exemplaire, de combattant jusqu'au dernier jour : Russie, retraite, Varsovie, ruines de Berlin... et qui manipule de nouvelles armes jusqu'à la fuite. Il incorpore alors l'armée israélienne naissante avant de devenir espion juif au Canada où il s'installe sous le nom de Verlande. Ce qu'il retient de la guerre, c'est qu'il a participé à la création d'un nouveau monde : selon lui, la Seconde Guerre mondiale a révélé une nouvelle étape évolutive. L'homme et la machine deviennent une symbiose dans cette guerre civile généralisée contre l'Humanité. Du coup, les côtés les plus sombres de l'homme ressortent. Il faut que certains évoluent pour devenir les messagers christiques de ce nouvel âge qui s'annonce... Il transmet tout cela à son fils Paul Verlande.
2020. L'Europe est en proie à la guerre civile ; des armadas de paquebots traversent l'Atlantique pour ce dernier coin vivable qu'est l'Amérique du Nord sans se douter que l'armée canadienne les attendent au tournant. Des tornades de plus en plus violentes secouent les terres d'un monde qui fait face à la pénurie de carburant fossile. Paul Verlande est devenu flic. Un flic de la Sureté québécoise. Un de ces flics qui suivent la Loi mais n'en font pas une religion. Il a placé la Justice au dessus ! Son meilleur indic est un truand de haut vol réfugié au bord des Grands lacs. Son seul ami est un pirate informatique de génie. Verlande fait équipe avec Voronine, un descendant d'émigrés russes.
Verlande va se trouver confronté à plusieurs enquêtes qui apparaissent étranges. Des pédophiles, des violeurs en série disparaissent bizarrement du paysage. En fouillant un peu plus, Verlande découvre que tous n'ont pas été victimes de meurtres mais que certains ont suivi les lois de l'adaptation : ils ont muté pour être plus difficilement attrapables. Cela nécessite une planification et donc un planificateur... Il est de plus chargé d'enquêter sur la mort de deux policiers abattus avec des moyens surprenants : le véhicule qui a servi à les piéger a été détruit par une bombe provenant d'un arsenal militaire... S'y rajoute le fait que son indic l'avertit qu'une cargaison d'armes va être introduite en contrebande. En échange des informations pour la bloquer, Verlande devra juste voler deux petites mallettes cachées dans la cargaison... Cela fait beaucoup pour un seul homme !
Tous ces fils disparates cachent évidemment la trame d'une convergence finale... Cela fait plaisir de retrouver un Dantec en pleine forme et en toute possession de ses moyens pour un roman lisible. Certes il y a quelques obsessions qui reviennent : le sens théologique (le nombre de polars commençant par une citation de Saint Jean est assez limité), les plans cachés derrière les plans cachés, le corps comme partie de la machine, comme extension (et il y a notamment un passage où le personnage se soigne seul de brûlures, décrit comme une opération de routine froide et logique, relançant un souvenir de son père qui traversa les fleuves russes en hiver), la tolérance démocratique creusant sa propre tombe, mais le tout n'est absolument pas un pavé indigeste bloquant l'intrigue, plutôt une fragmentation de réflexions perdues au sein d'une histoire.
L'écriture incantatoire de Dantec, qui revient sur les mêmes éléments, qui digresse, qui fait des sautes temporelles, qui n'hésite jamais à faire intervenir des fantômes ou des ordinateurs télépathes pour aider son policier (ce dernier réveille même un mort, mais tout cela semble logique au sein du livre), qui offre un mélange détonnant entre un long paragraphe sur l'utilisation technique d'une arme suivant une page sur l'évolution homme-machine, crée un texte possédé convainquant.
Métacortex est un roman volumineux à la lecture ardue - mais lisible. Dantec y promène son lecteur, à l'instar de son personnage, dans des successions de labyrinthes, d'univers gigognes où tout est signe, y compris les tombes des enfants torturés. Le roman s'achève sur la vision d'une forteresse sadienne écœurante de réalisme et où la froideur clinique de l'auteur parvient à soulever le cœur du lecteur. Du coup, les dernières pages messianiques "en diable" parachèvent de manière éminemment logique un roman âpre, dense, prenant et tout compte fait doté d'une vision presque réaliste de notre présent. Cela fait énormément de bien de (re)trouver là Dantec en pleine forme, aussi dur et captivant qu'à ses débuts.
Nominations :
Grand prix de la littérature policière - roman français 2010
Citation
Faire du renseignement, c'est observer à la jumelle les prodromes d'une guerre mondiale se dérouler comme un banal accident de la route. Faire du renseignement, c'est obtenir d'un homme qu'il dise même ce qu'il ne sait pas.