Contenu
La Septième fonction du langage
Grand format
Inédit
Tout public
Paul Bona (coloriste)
Paris : Steinkis, novembre 2022
152 p. ; illustrations en couleur ; 27 x 21 cm
ISBN 978-2-36846-414-4
Lire c'est (re)faire
Le 25 février 1980, Roland Barthes est renversé par une camionnette après un déjeuner avec François Mitterrand. Hospitalisé à la Pitié-Salpêtrière, intubé et quasi-inconscient, il voit débarquer le commissaire Jacques Bayard. Ce dernier cherche un moyen de pression sur le futur candidat socialiste à la présidentielle face à Giscard. Mais infichu de découvrir quoi que ce soit d'intéressant, il se résout à aller réquisitionner l'aide du sémiologue Simon Herzog, qui oriente les recherches vers la septième fonction du langage, une fonction magique ou performative, théorisée par le Russe Roman Jacobsen, qui permettrait de manipuler son interlocuteur. Roland Barthes aurait eu entre ses mains un écrit à ce sujet de Jacobsen. Mais celui-ci a disparu. Et voilà le duo d'enquêteurs à parcourir les milieux intellectuels français à la recherche d'une théorie ou d'une illusion, un MacGuffin, pendant que des espions bulgares tentent de semer la mort, que d'étranges agents japonais semblent vouloir sauver la mise d'Herzog, et que les traces de Philippe Sollers et de sa compagne Julia Kristeva les conduisent vers le Logos Club où des joutes oratoires de première ont lieu. Mais il est dit que cette enquête doit virer à l'international. Alors, les enquêteurs remontent inlassablement la piste de la septième fonction du langage. Vont à Bologne, à la rencontre d'Umberto Eco, franchissent l'Atlantique pour atterrir dans la petite ville américaine d'Ithaca et croiser Jacques Derrida, retournent en Italie, cette fois à Venise, où Simon Herzog va devoir argumenter sur scène entre le baroque et le classique, toujours avec des tueurs aux trousses, avant de revenir à Paris et se confronter à l'inéluctable. Transposition jubilatoire en bande dessinée du roman de Laurent Binet, La Septième fonction du langage est une ode à la sémantique, à l'Oulipo et à la métalepse narrative. Aux divagations et au génie. Au pouvoir des mots. Ce n'est d'ailleurs sûrement pas un hasard si avec sa tronche de nervis qui a fait la guerre d'Algérie et qui est entré après dans les (forces de l') ordre(s), le commissaire se nomme Bayard, à la fois comme le chevalier sans peur et sans reproche, et l'éminent spécialiste des littératures comparées (même dans le cas qui nous occupe, il ne comprend pas grand-chose à pas grand-chose et est même un temps affublé d'un bonnet d'âne par Olivier Perret). Au scénario intelligent, maîtrisé et féroce de Xavier Bétaucourt, répond d'ailleurs le dessin tout humoristique mais riche en détails et en hommages d'Olivier Perret. Tout ça n'est qu'un jeu littéraire dessiné (où les auteurs se mettent en scène et se confrontent à la notion de héros conscient d'être dans une œuvre de fiction, d'où la fameuse métalepse narrative...), mais un jeu talentueux de plus de cent cinquante pages à ne pas mettre entre toutes les mauvaises mains.
Illustration intérieure
Citation
Il est beau mon zeugma ! Elle est belle, mon asyndète ! Mais il y a un prix à payer. Ce soir encore vous connaitrez le prix du langage. Car telle est notre devise, telle devrait être la loi sur terre : nul ne parle impunément ! Au Logos Club, on ne se paie pas de mots, n'est-ce pas mes chéris ?