Contenu
Le Livre de Daniel
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit du flamand (Belgique) par Anne-Laure Vignaux
Paris : Globe, mai 2023
282 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-38361-215-5
Une mort si ordinaire
Saint-Léger est un petit village belge proche de la frontière française, ce qui explique que parfois des jeunes de Roubaix viennent dans le coin. Mais le maire ne s'inquiète pas, y compris quand la jeunesse bouscule un peu ses administrés, car il faut bien que la jeunesse se passe. À saint-Léger, il y a quelques vieux agriculteurs qui vivent dans des fermes à moitié à l'abandon. Parmi eux, Daniel qui élève encore quelques bêtes, se promène un peu (surtout pour faire ses courses). Alors, il sort son enveloppe où il garde son argent liquide, ce qui peut attirer les convoitises. Un jour, sa ferme prend feu et l'on s'aperçoit que le vieil homme est sans doute mort depuis une semaine, que personne ne s'en était aperçu. Mais les jeunes trouvent cela très drôle. Oui, ils l'ont bousculé pour lui voler son argent. Oui ils l'ont filmé en train de le frapper avec une fourche. Oui, ils l'ont tué, mais personne ne s'en est rendu compte. Ou peut-être s'en sont-ils rendu compte puisque certains ont été pris de remords et ont rodé autour de la ferme, voire y ont mis le feu. Des mois ont passé. Il est temps de passer au jugement. Les membres de la famille de Daniel demandent à Chris de Stoop, journaliste, neveu du mort, et qui a du temps libre de les représenter comme partie civile. Le journaliste va donc d'une part vivre le procès et le rapporter et d'autre part refaire, comme chez son illustre prédécesseur Truman capote, l'enquête, avec ses trous et ses non-dits, ses erreurs et errements, tout en montrant un Daniel profondément humain et triste, solitaire et désespéré, à l'image de cette paysannerie traditionnelle qui meurt en silence, face à des voyous, sans foi ni loi, ni même intérêt, petits gagne-petit du crime.
Servi par une construction qui joue de la temporalité, fluctuant entre les périodes, passant d'un agresseur à un témoin, de Daniel à un magistrat, pour proposer une enquête angoissante (une sorte de tragédie où tout est lié mais où la bêtisé est plus forte que la violence), où chacun vit dans ses contradictions, où chaque geste en appelle un autre comme un jeu plus que dans un combat mortel. À côté de longs développements autour de la criminalité des mafias, des meurtres sanglants des tueurs en série, c'est ici toute la vie d'un village sur le déclin, d'un monde qui meurt et dont tout le monde se moque plus ou moins, avec un personnage central, l'auteur lui-même qui hésite entre la justice, la vengeance et la commisération pour des coupables plus victimes du monde que bourreaux conscients. Un texte qui nous plonge dans un univers violent et absurde parce que sans repères, une photo glacée du monde actuel.
Citation
Il était plus de minuit. Ils sont sortis du village, ont traversé le viaduc et rejoint la rue où ils voulaient aller. À gauche du croisement, dans les champs, une poignée de maisons ouvrières étaient alignées le long d'un chemin sableux, mais, à cette heure-là, il n'y avait personne dehors.