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Il était une fois en Amérique
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Caroline Nicolas
Paris : Sonatine, janvier 2024
622 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-35584-984-8
Cartographie d'une époque
Immortalisé au grand écran par Sergio Leone en 1984 avec en guest star Robert De Niro, Il était une fois en Amérique est à l'origine un roman largement inspiré de la vie magnifiée de Harry Grey, son auteur. Étrangement, le roman (sorti en 1952 aux États-Unis) n'a pas été publié en France jusqu'à maintenant, alors que l'auteur de son vivant faisait partie du catalogue de la "Série noire" des éditions Gallimard (Né un dimanche, 1956, et La Crème des hommes, 1959). Peut-être est-ce dû à la pagination de ce roman qui sort aujourd'hui chez Sonatine (622 pages alors que la "Série Noire" de l'époque préférait les 240 pages).
Harry Grey, de son vrai nom Herschel Goldberg, est le double de Noodles. Lui c'est le fils d'une famille émigrée aux origines russes et juives qui passe toute son enfance dans le quartier juif du Lower East Side à Brooklyn en compagnie de ses amis inaliénables Max, Patsy, Cockeye et Dominik. Max et Noodles ont des envies de grandeur. Ils jouent les petites frappes. Mais tout ça reste plutôt gentil pour l'époque. Cependant, à partir du moment où un casse ne se passe pas bien et où Dominik est tué par les flics, le gang prend une autre trajectoire. Surtout, Noodles, le protagoniste principal, fait en quelque sorte allégeance à Max en allant volontairement en prison et en payant pour tout le monde. À sa sortie, il est accueilli par Max, qui a une certaine notion de la fidélité, qui s'est bien enrichi, qui a une voiture, et qui sait quel chemin suivre : celui du Syndicat (du crime). De petites frappes, ils deviennent nervis des plus grands, sorte de mousquetaires du crime qui suivront intérieurement la même évolution que les personnages de Dumas, le roman de Harry Grey créant une scission entre l'équipe à mesure que le temps passe, que les objectifs des uns et des autres évoluent et que Max prend des airs de potentat.
Mais revenons à l'intrigue du roman, qui est chronologique alors que Sergio Leone la déstructure, tout en prolongeant l'histoire, qui se trouve en plein milieu de sa "Trilogie du Temps" (entre Il était une fois dans l'Ouest et Il était une fois la Révolution). On notera avec intérêt toute la partie dans la campagne profonde quand l'équipe s'infiltre dans un casino que le Syndicat veut voir disparaître : il y a là bien des fulgurances et du vécu. Et puis, il y a un certain côté romantique à suivre la trajectoire de ces gangsters, qui sont adulés par une partie de la population, craints par l'autre. Faut dire que leur conception de la vie, du moins au début, peut paraître juste. Ils savent que la corruption est endémique. Ils veulent juste leur part. Noodles cherche également l'amour (d'abord chez Deborah, qui ne le hante pas autant que dans le film, puis chez Eve, auprès de qui il pourrait trouver une espèce de rédemption au moment de "se ranger des voitures") ; surtout, il est détesté par son frère, et traînera longtemps le fait de n'avoir pas été présent aux côtés de sa mère au moment de sa mort (et surtout de son enterrement). On ajoutera le background du père (ancien malfrat russe devenu pieux), Fat Moe, le tenancier de leur QG, qui n'est pas sans rappeler ce que sera celui de Dortmunder dans les aventures imaginées par Donald Westlake, un rêve de gosse (le braquage de la banque fédérale) et une trahison mortelle digne de Judas. Cartographie sociale et urbaine, Il était une fois en Amérique est un récit maîtrisé, magnifié, qui demeure malgré toutes ses qualités à l'ombre du génial film de Sergio Leone.
Citation
Tu sais Noodles, dans le pire des cas, les Himmelfarb peuvent toujours se lancer dans la manufacture de papier cul.