Contenu
Poche
Réédition
Tout public
Traduit de l'italien par Samuel Sfez
Paris : Folio, janvier 2024
414 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-07-305277-3
Coll. "Policier", 1008
Points de bascule
La vie est déjà bien compliquée pour le sous-préfet (c'est un grade dans la police italienne) Rocco Schiavone car il a participé à l'arrestation d'un trafiquant de drogue qui, depuis, lui en veut terriblement. Or ce dernier vient de s'évader de prison et il semble qu'il ait décidé avant de fuir à l'étranger de s'occuper de Rocco Schiavone. C'est donc sous cette menace qui rappelle au policier la fragilité de l'homme et la mort de sa femme et de sa fille, qu'il doit commencer une nouvelle enquête. En effet, au nord de l'Italie, du côté d'Aoste, au bord d'un fleuve, on a découvert le cadavre d'une jeune femme qui se révèle être transsexuelle et qui porte des traces sur le corps qui pourraient s'apparenter a des pratiques SM dont les liens japonais qu'a magnifié Romain Slocombe dans Un été japonais en 2000. Toujours est-il qu'en cherchant à en savoir plus le sous-préfet découvre que des mystérieux personnages passent devant lui et font un nettoyage méticuleux des possibles indices. Il apparait même que certains services de police inventent des pistes afin de conduire à un coupable déjà abattu par la police. Cela cache quelque chose d'important mais quoi ? Et quand un autre homme est retrouvé à son tour mort avec comme unique indice dans sa poche le numéro de téléphone du sous-préfet, les choses deviennent encore plus compliquées.
Sixième roman dédié au sous-préfet Rocco Schiavone, Ombres et poussières est doté d'un titre français qui indique déjà que rien ne va être joyeux. Le personnage central qui doit essayer de reprendre goût à la vie alors qu'il songe sans cesse à sa famille morte est un homme sombre et solitaire. De plus, poursuivi par un ennemi qui semble invincible et omniscient, il découvre ici une intrigue tortueuse, qui joue sur les polices parallèles n'hésitant pas à truquer la loi, sur un transsexuel qui voulait s'en sortir mais a sans cesse été confronté à des oppositions et des haines. S'appuyant donc sur cette double histoire (l'enquête sur la mort du travesti d'une part, et l'arrestation potentielle du gangster qui s'est évadé), le roman d'Antonio Manzini est une bonne description d'un personnage en proie aux doutes, qui esquisse des conversations avec sa femme morte, sur le classicisme d'une enquête qui avance cahin-caha, sur les liens troubles entre la police et la société (comment faire avec les secrets d'État, avec les journalistes qui jouent sur le sensationnel ?) pour offrir un roman intéressant, noir de chez noir, s'intéressant à montrer les moments où rien n'est décidable, où l'on peut sauver ou tuer, tuer ou être tué. Une bonne version italienne des maîtres américains ou français du genre.
Citation
Elle était là, attachée, elle pendait du plafond comme... comme un jambon. Blanche comme un linceul. La bave lui coulait de la bouche…et les yeux... les yeux éteints... Mon Dieu, je ne l'oublierai jamais.