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Des lendemains qui déchantent
2224. Le gigantesque écocide des siècles précédents a obligé l'Humanité à repenser son mode de vie. Tous habitent désormais dans des villages conçus pour être autosuffisants, et soumis à un bracelet qui se charge de réguler leurs émotions sans pour autant en faire des zombies sans libre arbitre. Or la grande crise de fertilité a laissé un monde où les femmes sont nettement plus nombreuses que les hommes... À cinquante ans, on opère à ce qu'on appelle le Grand recyclage : les femmes atteignant cet âge sont envoyées dans un lieu incertain pendant qu'une jeune femme fertile les remplace dans l'espoir de tirer quelques naissances supplémentaires. Karen se prépare à subir ce sort sans trop de craintes, bien que son mari et ses enfants n'arrivent à s'y résoudre. Ira-t-elle vraiment dans un paradis idyllique comme le promet la propagande ? Mais c'est alors que trois fillettes sont découvertes assassinées. Comment est-ce possible dans un monde qui, nécessité oblige, a rendu la criminalité obsolète ? Que s'est-il vraiment passé ?
On se méfie des auteurs transfuges de genre, à tort ou à raison : ils ont tendance à écrire des romans qui correspondent à l'idée qu'ils se font du genre plus que du genre lui-même (on tremble en se rappelant une collection de polars écrits par des auteurs de blanche, intention louable mais aux résultats...). Ce n'est pas le cas ici : Sophie Loubière a écrit un pur roman de science-fiction, plus qu'un polar, puisque l'affaire n'occupe qu'une place limitée dans le récit – mais dont la résolution glaçante a toute son importance dans la logique narrative. On serait même plutôt ici dans l'éco-SF, tendance qui renouvelle quelque peu le genre s'essoufflant à courir autour de sa queue : on est dans le domaine de l'indispensable et précurseur AquaTM de Jean-Marc Ligny (2006 et toujours d'actualité) ou plus près des très belles nouvelles de hard-science poétiques (si !) de l'Hindoue Shweta Taneja. C'est-à-dire que la mise en place de l'univers est bien plus importante qu'une intrigue taillée au cordeau et qu'on y rajoute même de vrais personnages bien campés. Vu le thème rappelant vaguement L'Âge de cristal, on pourrait s'attendre à l'habituel "personne ne nous aime" (autre face des chouineries des comiques troupiers "masculinistes"), mais Sophie Loubière a autre chose à faire, en l'occurrence présenter un univers qui se tient. Le polareux pur et dur pourra être désarçonné, puisque contrairement à un polar, il n'y a pas d'enjeux forts dès le début, mais le tout mérite de faire un effort, même si on peut regretter que tous les trajets individuels ne soient pas bouclés. Et bien sûr, il y a cette écriture, soignée, millimétrée et poétique. À découvrir, donc...
Citation
D'aussi loin que remontait l'histoire de l'homme, de tous ses crimes, le plus grand demeurait sa faculté à en nier l'existence. Parfois, il allait même jusqu'à les effacer.