Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
Vouloir tuer en paix
Comme le rappelle à juste titre l'exergue, et la voix de Stephan Eicher, on aimerait simplement déjeuner en paix. C'est sans doute aussi ce que se dit Jacqueline, la vieille dame qui habite tranquille dans la Mastigouche au bord de la rivière, proche de son embouchure, n'ayant qu'une voisine, Madeleine et profitant du paysage. Seul, Albin, un gars de la ville, la comprend car il a accepté de s'occuper un peu des deux propriétés pour pouvoir bénéficier d'une petite cabane sur le terrain de Madeleine et ainsi venir pêcher et chasser. D'ailleurs, il en profite un peu pour braconner, ce qui met une forme de pression, car un policier passe parfois pour comprendre qui peut bien abattre des cerfs et autres gibiers. Mais pour Jacqueline, tout s'écroule lorsque Madeleine vient lui annoncer qu'elle va bientôt vendre sa maison pour aller vivre en ville auprès de son fils. Jacqueline s'inquiète de ce que feront les nouveaux propriétaires, des gens de la ville sans doute, avec des enfants bruyants et des amis le week-end. Si elle n'a pas les moyens de racheter la propriété, elle pense que si Madeleine se suicide dans sa maison, les superstitions aidant, il sera difficile de la vendre. Et après tout, en bonne adepte de la télévision, un crime maquillé en suicide ne risque pas de la rebuter. Il lui faut juste penser à un plan parfait...
Petit roman (par la taille), jubilatoire en diable, le récit d'André Marois se concentre sur quelques personnages - les deux voisines, le jardinier chasseur et le policier -, pour nous raconter une histoire pleine de cynisme. On comprend parfaitement le projet de Jacqueline (car qui d'entre nous n'a pas eu des voisins et veut profiter de la paix&nsp;?) et l'on suit avec attention, comme dans un bon épisode de "Columbo", ses efforts continuels pour mijoter un crime parfait, résoudre tous les problèmes qui se posent, surtout que le policier a des doutes et surtout qu'il pense que cette affaire est une aussi une bonne occasion de faire plonger le braconnier. Tout s'agence avec soin et l'auteur rend même sympathique cette vieille mamie ronchon qui se décarcasse afin d'avoir ce qu'elle souhaite. Un roman finement et rondement mené, à la morale élastique et drôle.
Citation
Le câble se tend, ça force, le corps se soulève lentement, d'abord en angle. Jacqueline soutient les jambes. Les orteils nus ne devraient pas laisser de marques sur le plancher, mais elle préfère aider, pour éviter toute trace d'ongles. Et aussi pour ne pas rester là sans rien faire, les bras ballants devant l'inéluctable qui s'accomplit.