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Grand format
Inédit
Tout public
426 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-8126-2558-9
Coll. "Noir"
Survivre dans une ville qui meurt
La théorie des ondes est une théorie facile à comprendre. Autour d'un point central, les répercussions vont en s'épuisant lentement mais en créant des perturbations longues tout autour du point d'origine. On pourrait penser en lisant le début du roman que cette théorie va s'appliquer à la relance d'une enquête sur un possible tueur en série à Chalon-sur-Saône par l'avocat Pierson et son assistante, Catherine Gauthier, ancienne policière. En effet, le cadavre d'une jeune fille, violée, assassinée et jetée dans la Saône vient d'être découvert. Il existe d'autres cas étalés sur des décennies, même si la police a arrêté un suspect il y a quelques années de cela, un suspect qui a fini par avouer et qui est en prison depuis presque une décennie. Mais l'action de l'avocat pour relancer l'enquête et les premières investigations de Catherine Gauthier, son employée, pousse le commissaire Renaud à reprendre lui aussi les dossiers. Cette nouvelle victime réveille aussi des histoires plus anciennes et notamment celle de la fermeture de l'usine Kodak, véritable poumon économique de la ville de Chalon-sur-Saône. Est-ce là le véritable point de départ des ondes ? Car la liquidation de l'entreprise Kodak a engendré bon nombre de rancœurs. Ou bien faut-il rechercher l'origine de tous ces crimes dans un passé encore plus ancien, un passé dont certains semblent encore ressasser les traces (et proposé au centre du récit) ?
Roman fort, peuplé de personnages qui, presque tous, ont du mal avec les relations familiales et/ou amoureuses (entre les amours contrariées, les relations violentes subites ou assumées, les couples déchirés par le manque de communication ou la mort d'un enfant), La Théorie des ondes ressemble à ce qu'elle décrit : un monde étouffant, sans lumière, sombre et crépusculaire. Les personnages essaient bien de s'en sortir comme ils peuvent, mais ils replongent dans des haines séculaires, des tensions fortes, des fêtes vécues non comme des réjouissances mais comme des exutoires. À un point du roman de Pascale Chouffot, une grande cérémonie est organisée avec comme obligation de porter des habits rouges, couleur de sang. C'est un moment final d'un livre qui semblait plus porter sur le gris. Et l'idée d'un Mal omniprésent, comme dans la série Twin Peaks, la tension provoquée non pas par un tueur en série, mais par deux ou plusieurs meurtriers qui effectuent le même rituel sans même le savoir, est une superbe trouvaille. De même, sans dévoiler l'intrigue, l'arrestation d'un possible coupable qui reconnait certains crimes mais en refuse d'autres, en semblant juste évoquer des souvenirs de vacances pour décrire les meurtres, est rédigée avec un ton extérieur et glaçant. Pascale Chouffot parvient à rendre palpable la violence, la colère, la vengeance, les gens dépassés par les situations mais qui restent accrochés à leurs passions, même délétères pour eux. Une description au scalpel, à vif, entêtante, d'une "petite" ville de province qui se meurt sans doute, mais convulse. Un très bon roman noir.
Citation
La Saône, mutique, n'avait plus envahi de son murmure herbeux les friches depuis l'hiver précédent, et toutes les routes pouvait encore mener aux usines, encore que... avait-il osé penser au cours d'une seconde trop vagabonde.