Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
178 p. ; 20 x 13 cm
ISBN 978-2-221-26928-2
Coll. "La Bête noire"
Une affaire malheureusement banale et exemplaire
Le romancier Caryl Férey travaille comme d'habitude en ce début 2021. En fond sonore, la radio. Il ne tarde pas à apprendre une nouvelle malheureusement habituelle : une jeune femme a disparu alors qu'elle essayait de refaire sa vie avec ses enfants, loin de son mari violent. Ce qui attire au début l'oreille de l'auteur ce n'est pas le fait divers en soi mais bien le lieu où il s'est déroulé. Car il s'agit du village où il a passé une partie de son enfance. C'est en effet dans le bois de Boisgervilly, en Ille-et-Vilaine, que la disparition de Magali Blandin a eu lieu. Comme il a envie d'agir par rapport à ce féminicide, car entre temps la lumière a été faite - il s'agit bien d'un crime commis par le mari -, il décide de se rendre sur les lieux où il a gardé des connaissances et de la famille, et surtout une personne qui travaille dans la presse quotidienne régionale et qui pourra peut-être l'aider dans ses "investigations".
S'en suit un aller-retour non pas entre des lieux mais des temporalités. Caryl Férey va être surpris car la femme était très discrète et, dans le village, on la connaissait à peine (installée depuis peu, ne faisant pas parler d'elle). Ses enfants étaient au collège mais sans laisser de traces marquantes. Une famille normale. L'auteur se rappelle sa jeunesse chaotique, son envie de quitter l'école, ses rêves de musique, les cahiers qu'il noircissait déjà. Un peu ce qu'il évoqué également dans Comment devenir écrivain quand on vient de la grande plouquerie internationale, un autre ouvrage moins connu que ses polars mais très drôle (et qui parlera à beaucoup de provinciaux).
Faisant de Magali une femme comme une autre, de son mari un assassin plus idiot que nature (mais il faut reconnaitre que la description de ses actes confine au génie dans la bêtise), Caryl Férey parle de lui, de l'affaire, du monde qui va mal (les derniers chapitres sont une véritable descente dans les fonds insondables de la misère humaine et du désespoir), avec tact et finesse, avec une certaine pudeur et un sens aiguisé de la dérision. Ceux qui ont aimé ses textes un peu décalées apprécieront, ceux qui liront ceci comme un bon texte de non fiction ou une version minimaliste d'un ouvrage de Philippe Jaenada savoureront également car l'on sent bien toute la noirceur du monde banal et bancal d'aujourd'hui, mais le titre risque de décevoir ou de surprendre ceux qui attendent un roman noir nerveux - même si parfois il est plus qu'intéressant qu'un auteur vous surprenne en se renouvelant sans se renier !
Citation
Il doit en passer, des images, quand on creuse la tombe de sa femme, d'autant qu'elle était profonde, insondable pour les chiens, dix à quinze heures de travaux forcés avec la peur de se faire prendre, les mains pleines d'ampoules pour qui ne pratique pas un travail manuel et qu'on frappe dans une terre dure comme du caillou.